La chronique juridico-judiciaire d’Eric Delcroix.
♦ La condamnation à 9 mois de prison ferme, 5 ans d’inéligibilité et 50.000 euros de dommages et intérêts d’Anne-Sophie Leclère, le 15 juillet, par le tribunal correctionnel de Cayenne révèle l’essence communautariste de la loi Pleven (1972) et des textes subséquents qui l’ont aggravée. La loi, dans son corps principal et ses ajouts, est ordinairement dite «antiraciste», mais la race n’en est qu’un élément ; en réalité, il s’agit d’une loi de protection tribale inédite dans notre civilisation juridique depuis le temps des Lumières et l’abolition des trois ordres sociaux (1789).
A l’origine de la loi, en 1972, les références aux discriminations peccamineuses concernaient une personne, un groupe de personnes identifiées par l’origine, l’ethnie, la nationalité, la race ou une religion déterminée. Depuis, le législateur, toujours de droite (loi Perben, 2004), y a ajouté de nouvelles tribus, définies plus que jamais dans une logique de défense communautaire, selon le sexe, l’orientation sexuelle ou l’infirmité (le «handicap», en franglais administratif). La classe sociale y a échappé, Pleven et Perben ayant ainsi respecté la légende fondatrice du marxisme, celle du PCF et de la CGT.
Vers une justice communautaire partiale ?
La logique du système voudrait, pour l’impartialité du Tribunal, que la défense puisse exiger la récusation des juges appartenant à la communauté supposée offensée. Mais toute tentative de ce côté-là est vouée à l’échec (je parle d’expérience), compte tenu de l’ire passionnelle de nos juges contemporains contre qui s’aventure sur ce terrain. Les puritains, comme toujours, abdiquent raison et droit lorsque la morale – ici antidiscriminatoire et donc égalitariste – est en cause.
Non seulement les juges, fanatisés et dopés à la moraline, ne veulent pas en entendre parler, mais, à rebours, certains entrent dans le jeu de la partialité du système pour satisfaire les revendications tribales. En effet, depuis le grand Procès de Nuremberg (1945-46) les belles âmes admettent que les Méchants puissent être jugés par leurs ennemis pourvu que ceux-ci procèdent du Bien…
Lire la suiteDe la lèse-majesté ou de l’offense faite à Christiane Taubira – par Éric Delcroix, avocat