14/10/2014 – LAVAL (NOVOpress)
Il aura fallu cent ans pour que la société moderne, gangrenée par l’hyper-mobilité, la sur-consommation et le rejet pathologique du passé, se souvienne d’une guerre qui fut à l’origine d’un ethnocide sans précédent. Des générations de paysans et d’ouvriers ne reviendront jamais de quatre années d’un conflit indépassable dans l’horreur et l’héroïsme quotidien. Ceux-là mêmes qui eurent à affronter les sabreurs de Clémenceau le Rouge quelques années plus tôt lors des grandes grèves du début de siècle, fourniront sans rechigner les bataillons lancés dans la boue des tranchées. L’aristocratie française s’éteindra elle aussi dans les charges et les trous d’obus, « en casoar et gants blancs », sous le regard moqueur de l’industrie de l’armement. L’année 1918 verra naître la fin d’un monde.
Si notre attention est essentiellement dirigée sur la société de demain et les façons d’y parvenir, nous n’oublions pas que nous sommes les gardiens d’une tradition et d’une histoire. La Grande Guerre, par son ampleur folle, a touché chaque famille française, du plus petit village, à la grande métropole. Nos monuments aux morts en témoignent. Hors du consensus mou orchestré par l’Etat, il nous a paru indispensable d’évoquer cette tragédie humaine et la mémoire de nos ancêtres. Celle-ci nous appartient tout autant – et peut être même plus – qu’à d’autres.
Pour ce faire, nous avons choisi délibérément de suivre un de ces conscrits de 1914 à travers les lettres qu’il envoya quotidiennement à sa famille et ce jusqu’à son décès au front le 28 février 1915 (photo). Ces lettres furent publiées dans la presse locale pendant la période de guerre et restent inédites depuis. Si elles reflètent pleinement une époque (la propagande joue un rôle déterminant), on y découvre l’homme en arme avec toutes ses contradictions. Mais c’est surtout le quotidien effrayant des combattants que nous allons découvrir.
D’origine modeste – son père est journalier et sa mère femme de ménage –, Paul Vaseux naît le 6 janvier 1889 dans un petit village du Maine, sur les marches de Bretagne et Normandie. Incorporé à compter du 28 septembre 1907 comme engagé volontaire au 131ème régiment d’infanterie, le jeune homme se rengage successivement quatre fois et gravit les échelons de la hiérarchie militaire : caporal en 1908, sergent en 1911, sergent-major en 1913. Son état des services le décrit blond aux yeux bleus et d’une taille de 1,67 mètre. En décembre 1913 survient le décès de sa mère qui va marquer profondément le jeune sous-officier. Le 1er août 1914 on mobilise…
La première partie des lettres de Paul Vaseux
La deuxième partie des lettres de Paul Vaseux
La troisième partie des lettres de Paul Vaseux
La quatrième partie des lettres de Paul Vaseux
Le mercredi 16 septembre 1914, la 18ème brigade reçoit l’ordre d’attaquer le front Epinonville/Ivoiry dans la Meuse. Les bataillons subissent des pertes sérieuses. Le lendemain, les camarades de Paul Vaseux occupent les villages de Cheppy et Véry, non loin de Vauquois.
16 septembre
« Je ne sais si nous en avons encore pour longtemps mais les nouvelles qui se succèdent continuent à être bonnes. Depuis quatre jours nous avons avancé de 60 kilomètres et le mouvement paraît devoir continuer encore pendant quelques temps. La joie que nous procurent nos succès nous fait oublier un moment nos misères et cependant quoique le moral soit devenu meilleur qu’au début, le physique se fatigue. Les pluies ont commencé et nous n’arrivons pas à nous sécher complètement. Les nuits que nous sommes obligés de passer le long des routes ou dans les champs sont bien pénibles. Les petits approvisionnements personnels que nous avons pu trouver à peu près jusqu’à présent chez l’habitant commencent à s’épuiser, et il nous est impossible pour longtemps de les reconstituer, puisque nous ne traversons que pays dévastés, inhabités et brûlés.
Lire la suiteLa terre et les morts : notre devoir de mémoire 1914 – 1918 (5)