Un financement sujet à caution : Balladur, rends le pognon ! – Par Pierre Tanger

5 octobre 2011 | France, Médias

Extrait de l’hebdomadaire “Minute” de ce mercredi 5 octobre. En kiosque ou sur Internet.

Les comptes de campagne du candidat Balladur à la présidentielle de 1995 n’étaient pas justifiés. A l’époque, ils ont pourtant été validés par le Conseil constitutionnel, ce qui a permis à l’ancien premier ministre de toucher 30 millions de francs de l’Etat… Le pot aux roses découvert, Balladur doit rembourser !

Lors de la présidentielle de 1995, est-ce que Edouard Balladur a financé sa campagne électorale avec de l’argent sale, provenant de magouilles liées à la vente de sous-marins au Pakistan ou de frégates à l’Arabie Saoudite? Chargé de l’enquête, le juge Renaud Van Ruymbeke a pris dans ses filets – et mis en examen –, deux gros poissons susceptibles d’avoir piloté l’opération: Nicolas Bazire, qui fut le directeur de la campagne balladurienne, et Thierry Gaubert (à l’époque collaborateur de Sarkozy, ministre du Budget), soupçonné d’avoir donné un coup de main pour porter des… « valises ».

Pour tout comprendre, voici les données du problème auquel le juge est confronté. Les recettes du candidat Balladur, pour financer sa campagne, se sont élevées à 90 millions de francs. Or, sur cette somme, plusieurs millions ont été versés en espèces. Le 28 avril 2010, entendu par une mission d’enquête de l’Assemblée nationale, Edouard Balladur en a donné le détail: « Je confirme que 10 millions de francs, puis 3 millions de francs, soit 13 millions de francs, ont été versés en espèces sur le compte de ma campagne électorale. » Il n’y a là rien d’illégal, à condition que l’origine de ces fonds soit justifiée. Soumis à la question, Balladur s’en est tiré par une pirouette: « D’ou venait cet argent? C’était simplement celui des militants, des sympathisants, recueillis lors de centaines de meetings. » Une version qui ne tient pas la route. Interrogé par Van Ruymbeke, René Galy-Dejean, trésorier de la campagne, a déclaré que, le 26 avril 1995, il avait déposé dans une agence du Crédit du Nord 3 millions, recueillis dans les meetings, « en petites coupures usagées, de mémoire de 10, 20 ou 50 francs ». Or, ce même 26 avril, à la même agence, un second versement de 10,25 millions en espèces a été effectué! Et là, le trésorier affirme tomber des nues: « Ma surprise est totale parce que je n’ai jamais déposé 10 millions de francs au Crédit du Nord ».

Alors qui a remis ces 10 millions et d’où proviennent-ils? De la poche des militants? Ce serait étonnant: 7 millions ont été versés en grosses coupures de 500 francs! De plus, il n’existe aucun listing de ces très généreux donateurs. À l’Assemblée, Balladur, pour justifier cette « négligence », a expliqué qu’il était impossible d’enregistrer dans le détail tous les dons! C’est pourtant pas la mer à boire… chaque fin d’année, quand ils vendent leurs calendriers, les pompiers ont un carnet à souches et donnent un reçu aux particuliers. Les explications de l’ancien premier ministre ne sont donc guère convaincantes.
Dans ses conclusions, Bernard Cazeneuve, député socialiste et rapporteur de la mission d’en quête, a exprimé les plus grandes réserves: « Sur la réponse apportée par M. Edouard Balladur au sujet des 10 millions de francs versés en coupures de 500 francs sur son compte de campagne, [je] reste interrogatif sur la validité de la réponse apportée. » Pourtant, à toutes les attaques, Balladur répond par un argument qu’il juge imparable: « Les comptes de ma campagne ont été établis, déposés et validés par l’organe compétent. » De fait, le Conseil constitutionnel, a, en octobre 1995, validé ses comptes. Ce qui a permis à l’ancien premier ministre d’encaisser 30 millions de francs, soit 6,4 millions d’euros actuels, versés par l’Etat au titre du remboursement plafonné des frais de campagne.

Un financement sujet à caution : Balladur, rends le pognon ! – Par Pierre Tanger

Un pour tous, tous pourris

Alors aujourd’hui, on se demande comment l’organe compétent a pu valider des comptes où figuraient 10,25 millions de francs d’origine in – déterminée, sinon suspecte? Dans son édition du 26 novembre 2010, le quotidien « Le Monde » a rapporté une histoire qui en dit long sur les mœurs politiques de nos dirigeants. En 1995, le président du Conseil Constitutionnel s’appelait Roland Dumas. Et l’ancien ministre de Mitterrand aurait convaincu les huit autres membres du Conseil de fermer les yeux sur les comptes de Balladur, au motif qu’ils n’étaient pas plus douteux que ceux présentés par Jacques Chirac, et qu’en conséquence rejeter les comptes de Balladur les obligerait à invalider ceux de Chirac – une décision inimaginable pour Dumas: « Peut-on prendre le risque d’annuler l’élection présidentielle et de s’opposer, nous, Conseil constitutionnel, à des millions d’électeurs et ainsi remettre en cause la démocratie? »
De fait, en octobre 1995, seuls les comptes du petit candidat Jacques Cheminade ont été rejetés. Et Roland Dumas s’en amuse! Le 4 mai dernier, sur France 2, lors de l’émission « Face aux Français », il a expliqué pourquoi le seul Cheminade avait été sanctionné: « Jacques Cheminade était plutôt maladroit. Les autres étaient adroits. »

Il s’en passe ainsi de belles au Conseil constitutionnel! L’AFP a mis la main sur un document qui atteste que les experts financiers du Conseil avaient bel et bien tiqué sur « les dons en espèces sans justificatifs » du candidat Balladur.
Le juge Van Ruymbeke a donc envoyé les hommes de la DNIF (Division nationale des investigations financières) au siège du Conseil. Ils ont constaté que certains documents avaient disparu, mais ont toutefois recueilli des témoignages leur permettant d’écrire dans le rap port transmis au juge: « On peut conclure que ce versement d’espèces de 10,25 millions ne correspond à aucune recette provenant de collectes, de vente d’articles publicitaires, de remboursement de frais ou de dons de particuliers, et par conséquent que cette somme n’est pas justifiable sur le plan comptable. » Peu nous importe que la campagne de Balladur ait été financée avec de l’argent pakistanais ou saoudien.

Une chose est sûre, ses comptes, non justifiés et injustifiables, auraient dû être invalidés, ce qui aurait interdit tout financement de l’Etat. Balladur doit rembourser les 30 millions de francs qu’il a touchés! Et comme le Trésor impose toujours des pénalités aux contribuables indélicats, il doit payer les intérêts. Il serait trop facile qu’il s’en tire à moindres frais.

Pierre Tanger

Novopress est sur Telegram !

Newsletter

* champ obligatoire
« Novo » signifie, en latin, « renouveler » ou encore « refaire ». Novopress se donne comme objectif de refaire l’information face à l’« idéologie unique ». Mais ce travail de réinformation ne peut pas se faire seul. La complémentarité entre les différentes plateformes existantes doit permettre de développer un véritable écosystème réinformationnel.