“Le réveil du nationalisme a provoqué le refus violent de la diversité” selon le Vatican

13 septembre 2011 | Actualités, Europe, Société

13/09/2011 14h20
ROME (NOVOpress) –
À un moment où l’Italie doit faire face à une crise migratoire sans précédent, les déclarations du président du Conseil pontifical pour les migrants, l’archevêque Antonio Maria Vegliò, ont eu un grand retentissement dans la presse italienne.

Sant'Egidio

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Mgr Vegliò s’est exprimé hier matin dans le cadre de la rencontre internationale annuelle de la puissante Communauté catholique Sant’Egidio, « Bound to live together : Religions et cultures en dialogue », qui se tient cette année à Munich. Ces rencontres, qui s’inscrivent « dans l’esprit d’Assise » (la réunion interreligieuse organisée à Assise en 1986 par le pape Jean-Paul II), réunissent toujours des personnalités de premier plan, y compris politiques. On se souvient de celle de Lyon, en 2005, qui avait été vivement critiquée, à la fois par certains catholiques, pour des raisons doctrinales, et par des associations laïques, à cause de la subvention énorme accordée par la ville de Lyon. La rencontre de Munich, comme le souligne Benoît XVI dans son message aux participants, revêt une signification particulière alors que le pape s’apprête à célébrer « le vingt-cinquième anniversaire de l’invitation adressée par le bienheureux Jean-Paul II aux représentants des diverses religions du monde à se rassembler à Assise pour une rencontre internationale de prière pour la paix ». Le président de la République fédérale d’Allemagne, Christian Wulff, a prononcé en personne le discours d’ouverture.

La table ronde de lundi matin, « Immigration : destinés à vivre ensemble », était présidée par Vincenzo Scotti, actuel sous-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères dans le gouvernement Berlusconi. La première intervention a été prononcée en français par le pasteur Jean-Arnold de Clermont, président de la Conférence des Églises européennes, qui a appelé à mettre en place « une véritable politique d’accueil des migrants, valorisant leur venue comme facteur de développement tant des pays d’immigration que des pays d’accueil ». Mgr Vegliò, en sa qualité de président du Conseil pontifical pour les migrants, a parlé en dernier lieu.

Mgr Vegliò

Mgr Vegliò

Le prélat a commencé par décrire ce qui constitue, à ses yeux, « l’actuel contexte européen ». « Nous constatons dans les faits que l’Europe est un continent historiquement multiculturel. Le visage qu’il présente actuellement est le résultat de la coexistence de diverses cultures, aussi grâce aux mouvements migratoires. À la fin du XXème siècle et au commencement du XXIème siècle, deux phénomènes se sont manifestés, certainement liés entre eux. D’un côté, cette période peut être définie comme “ère de l’émigration”, mais, de l’autre, elle a été aussi “l’ère du nationalisme”, où l’on a observé des actes de refus et de marginalisation systématique et même violente des populations minoritaires, comme aussi l’adoption de politiques hostiles à la différence culturelle, qui, de manière plus ou moins visible, ont incité à la peur de la diversité. Dans tous ces cas, les flux migratoires ont été perçus comme menace à l’identité des populations autochtones. Évidemment, la méfiance vis-à-vis de l’étranger et le rejet de celui-ci, avec ses éléments culturels, idéologiques, religieux ou éthiques différents, n’est pas une nouveauté. De fait, la lecture attentive de l’histoire révèle que la diversité culturelle a été la source de nombreux conflits et de guerres entre les peuples, qui se prolongent jusqu’à aujourd’hui.
Face à la réaction immédiate de soupçon et de peur que le divers et l’inconnu puissent provoquer la perte de l’identité, il faut rapppeler que l’identité collective comme l’identité personnelle ne sont pas statiques mais dynamiques, et qu’elles se construisent et se renouvellent chaque jour dans les relations réciproques. Peut-être est-il également utile d’affirmer que l’histoire de l’Europe comme continent, en conformité avec l’histoire de la majorité des Etats qui la composent, est marquée par l’héritage reçu de peuples variés, qui ont produit une évidente hybridation culturelle. Cela permet de dire que la diversité culturelle n’est pas seulement une conséquence de l’immigration contemporaine, mais qu’il s’agit d’une caractéristique de l’identité européenne, sans laquelle il serait impossible de comprendre son présent et son passé. Du reste, le respect de la diversité culturelle et religieuse est inscrit dans le Traité de l’Union européenne et dans sa Charte des droits fondamentaux.
Parce que toute les cultures sont enfermées dans certaines limites, la rencontre entre cultures diverses et leur connaissance paisible, réciproque et sans préjugés, est surtout une richesse, un élément positif, indépendamment des difficultés que peut produire la coexistence entre personnes de cultures diverses ».

Les médias italiens ont surtout retenu cette première partie. L’archevêque a développé dans un second temps sa conception de « l’intégration des immigrés », qui ne saurait être « synonyme d’assimilation qui oublie ou élimine leur histoire, leur culture, leur identité ». « L’intégration n’est pas un processus à sens unique. Autochtones et immigrés sont encouragés à parcourir des chemins de dialogue et d’enrichissement réciproque ». Dans une troisième partie, Mgr Vegliò a déploré (avec une logique que tout le monde ne trouvera pas évidente) que l’Europe ait oublié ses racines chrétiennes, ce qui, selon lui, rend plus difficile l’intégration des immigrés, et appelé à « rénover les modèles éducatifs ». « Il s’agit avant tout d’enseigner à respecter et apprécier les diverses cultures, en découvrant les élements positifs qu’elles peuvent receler ; d’aider à changer les comportements de peur ou d’indifférence à l’encontre de la diversité ; d’instruire à l’accueil, à l’égalité, à la liberté, à la tolérance, au pluralisme, à la coopération, au respect, à la co-responsabilité et à la non-discrimination ».

Novopress n’étant pas un site théologique, il ne nous revient pas de discuter du degré exact d’autorité doctrinale qui, pour les catholiques, peut s’attacher, dans l’absolu comme dans les circonstances présentes, aux déclarations officielles d’un président de dicastère. Il est clair, en tout cas, que, aux yeux des médias, Mgr Vegliò a engagé l’autorité morale du Saint-Siège, et sur des questions qui, en dernière analyse, sont des questions de pur fait. L’identité européenne est-elle historiquement multiculturelle ? L’immigration de masse est-elle un enrichissement pour les pays d’accueil ? Le défaut de l’éducation dans les pays européens est-il vraiment de ne pas suffisamment former à l’accueil et à la non-discrimination ? On se rappelle le mot célèbre de Pascal aux jésuites de son temps : « Ce fut aussi en vain que vous obtîntes contre Galilée ce décret de Rome, qui condamnait son opinion touchant le mouvement de la Terre. Ce ne sera pas cela qui prouvera qu’elle demeure en repos; et si l’on avait des observations constantes qui prouvassent que c’est elle qui tourne, tous les hommes ensemble ne l’empêcheraient pas de tourner, et ne s’empêcheraient pas de tourner aussi avec elle ».

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