31/08/2011 – 07h30
PARIS (NOVOpress) — Commotion. C’est le nom d’un traumatisme crânien qui, selon son degré de gravité, peut entraîner la mort. C’est aussi le nom donné à un projet technologique révolutionnaire qui, s’il était mis en place à grande échelle, annoncerait la fin certaine d’internet tel que nous le connaissons aujourd’hui. Mais cette évolution ne se limiterait pas à une simple dimension technologique.
Il existait les VPN. Un équipe d’ingénieurs et développeurs fait encore plus fort.
Le Monde, dans un article daté d’hier 30 août, évoque ce que pourrait être internet dans les 12 mois à venir, grâce à l’important travail d’une équipe américaine “d’activistes du net” (le site de l’Open Technology Initiative qui pilote le projet emploie le néologisme “technavists”) financés en partie par de Département d’État américain : un réseau autonome, anonyme, sans fil, ne nécessitant aucun relais, ni téléphonique, ni satellite, crypté et donc a priori incontrôlable.
Selon les activistes du net à l’origine du projet, il suffira d’installer Commotion sur votre ordinateur, soit en le téléchargeant soit à partir d’une copie conservée sur une banale clef USB, pour intégrer le réseau et naviguer sans limitation ni surveillance.
La révolution technologique, avant-goût d’une révolution au sens propre ?
Si les motivations premières de l’OTI et des acteurs du projet Commotion, d’inspiration libertaire, étaient à la base d’offrir aux militants et contestataires des régimes proche et moyen-orientaux les moyens de communiquer sur le net tout en échappant aux contrôles étatiques, afin “d’organiser la démocratie”, la mise en circulation de Commotion auprès du grand public représenterait en elle-même un véritable séisme, à la fois politique, juridique et économique pour de nombreux pays, mais aussi et surtout en Europe.
Économique, car l’apparition de Commotion bouleverse sérieusement la donne pour les prestataires chargés de la distribution commerciale ou de la surveillance d’internet à tous les niveaux, de l’opérateur de téléphonie mobile et fournisseur d’accès à internet dont les modèles de développement deviennent caduques, aux organismes chargés de la vente ou de la protection des œuvres numériques, la question de la nécessaire redéfinition du droit d’auteur se posant également.
Politique et juridique enfin, car Commotion signifierait d’une part que toutes les lois votées en France depuis 2006 destinées à cadenasser le net, et la haute autorité administrative créée à cet effet à grand renfort de millions d’euros, sont mortes-nées, tout comme l’ACTA au niveau international. Bien au-delà d’internet, c’est donc à un profond bouleversement politique qu’il faudrait s’attendre, printemps virtuel qui pourrait naître d’une redécouverte de la liberté d’expression, de son application pleine et entière et des conséquences — non prévisibles — de cette dernière, à tous points de vue.
Comme le dit l’essayiste et économiste Hervé Juvin dans son ouvrage Le renversement du monde, politique de la crise, “la naïveté technicienne nous fait troquer la détermination par les origines, la terre, la culture, au profit de la détermination par la technique, en ignorant totalement l’ambivalence de toute technique et de tout outil. (…) Nous croyons que l’outil conduit la main qui le tient. Quelle erreur ! (…) Les outils sont partout. Nous ne savons rien de l’usage qui en sera fait.”
Crédit photo : Kriss Szkurlatowski / image sous licence creative commons