Napoléon Bonaparte vu par Charles Maurras

15 août 2011 | Culture

Novopress n’a pas prévu d’éphéméride en ce 15 août, fête et date importantes dans l’histoire et l’imaginaire collectifs européens. En ce jour anniversaire de la naissance de Napoléon Bonaparte, il nous a toutefois paru instructif de présenter à nos lecteurs ce texte de Charles Maurras, extrait de l’Avenir de l’Intelligence, publié en 1905. Bien que l’on oppose encore le “royalisme de raison” d’Action française et l’Empire, le Martegal montre ici une certaine admiration envers Bonaparte, dont l’action militaire sonne comme un retour au réel après les rêveries utopiques du siècle précédent. De quoi toujours susciter un intérêt historique et littéraire pour Napoléon 1er et l’Empire.

Si l’on considère en Napoléon le législateur et le souverain, il faut saluer en lui un idéologue. Il figure l’homme de lettres couronné. Comme il s’en vante, lui qui disait : Rousseau et moi, ce membre de l’Institut continue la Révolution, et avec elle tout ce qu’a rêvé la littérature du XVIIIème siècle ; il le tourne en décrets, en articles de code. La Constitution de l’an VIII, le Concordat, l’Administration bureaucratique reflètent constamment les idées à la mode sur la fin de l’ancien régime. Mais, par un miracle de sens pratique dont il faut avouer le prix, Napoléon tira de ces rêveries sans solidité une forte apparence de réalités consistantes.

Assurément tous nos malheurs découlent de ces apparences menteuses : elles n’ont cessé de contrarier les profondes nécessités de l’ordre réel. Cependant nos phases de tranquillité provisoire n’eurent point d’autres causes que l’accord très réel des fictions administratives avec les fictions littéraires qui agitaient et dévoyaient tous les cerveaux. De la rencontre de ces deux fictions, et de ces deux littératures, l’une officielle, l’autre privée, naissait le sentiment, précaire mais réel, d’une harmonie ou d’une convenance relative.

Nos pères ont appelé ce sentiment celui de l’ordre. Ceux d’entre nous qui se sont demandés comme Lamartine : cet ordre est-il l’ordre ? et qui ont dû répondre : non, tiennent le rêveur prodigieux qui confectionna ce faux ordre pour le plus grand poète du romantisme français. Ils ajoutent : pour le dernier des hommes d’État nationaux. Ils placent Napoléon Ier vingt coudées au-dessus de Jean-Jacques et de Victor Hugo, mais plus de dix mille au-dessous de M. de Peyronnet.

II est vrai que Napoléon se présente sous un autre aspect, si, du génie civil, qui, en lui, fut tout poésie, on arrive à considérer le génie militaire. Rien de plus opposé à la mauvaise littérature politique et diplomatique que Napoléon chef d’armée : rien de plus réaliste ni de plus positif ; rien de plus national. Comme les généraux de 1792, il réveille, il stimule le fond guerrier de la nation ; il aspire les éléments du composé français, les assemble, heurte leur masse contre l’étranger ; ainsi il les éprouve, les unit et les fond. Les nouvelles ressources du sentiment patriotique se révèlent, elles se concentrent et, servies par l’autorité supérieure du maître, opposent à l’idéologie des lettrés un système imprévu de forces violentes. De ce côté, Napoléon personnifie la réponse ironique et dure des faits militaires du XIXème siècle aux songes littéraires du XVIIIème.

Charles Maurras, L’Avenir de l’Intelligence (1905)

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