Le Sénat vient de voter une série (mieux : une rafale) de mesures de sécurité pour que les Jeux olympiques de 2024 se déroulent de la façon la moins chaotique possible. Parmi ces mesures, on note l’installation de caméras dotées d’algorithmes ; ceux-ci, en analysant les mouvements de foule, seraient en mesure de prédire les situations anormales. Ces caméras pourront également détecter des objets abandonnés ou fournir des statistiques sur la fréquentation des sites. Le ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, a redit qu’elle ne souhaitait pas mettre en œuvre la reconnaissance faciale. C’est probablement une manière de dire que nous ne sommes pas la Chine. Pas encore.
Les autres mesures prévues par cette nouvelle loi constituent ce que l’on pourrait gentiment appeler, dans la novlangue du jour, un changement de paradigme : « scanners corporels » pour pallier le manque d’agents de sécurité, notamment féminins, tests génétiques pour éviter le dopage… Pas de doute, on entre de plain-pied dans la modernité. Les sénateurs ont même adopté un amendement LR proposant de pérenniser les tests génétiques dans le sport « sans passer par la phase d’expérimentation ». On connaît bien ce genre de formules, désormais.
Évidemment, tout cela intervient alors que le fiasco du ministère de l’Intérieur au Stade de France est encore dans toutes les mémoires. Il n’y aura pas de deuxième déferlement de « supporters britanniques » – c’est en tout cas ce qu’espèrent les sénateurs et le gouvernement. Pour autant, on peut bien imaginer que ces caméras « augmentées » ne seront pas désactivées après la cérémonie de clôture. On sent confusément qu’un cap est en train d’être franchi. Les Jeux olympiques ne seraient-ils pas, en quelque sorte, qu’un prétexte à toujours plus de surveillance électronique ? Mais pas celle des « supporters anglais », évidemment. Eux semblent être en France pour toujours, dans la plus totale impunité – ou presque, puisqu’en France, tout finit, non pas par des chansons (comme dans Le Mariage de Figaro), mais par un bracelet électronique à la maison.
#securite #Video #surveillance Le Sénat a très largement voté pour l’expérimentation de caméras dotées d’algorithmes dès 2023. L’objectif : déployer ce dispositif pour les #JO2024 https://t.co/dxdsSPzWs6
— juaye (@juaye) January 25, 2023
Avec cette opposition, ici caricaturale, entre flicage électronique et chaos sécuritaire, on se trouve manifestement confronté à ce que Jean-Yves Le Gallou appelle « l’anarcho-tyrannie ». Faible, démissionnaire, dépassé quand il s’agit de sujets importants, l’État laisse l’anarchie gagner des pans entiers de la société. De la chasse aux jeunes filles blanches à la sortie des boîtes à la tiers-mondisation des transports en commun (SNCF et RATP en tête) en passant par la prolifération des couteaux et de leur corollaire, les « plaies au cou » (ou « entailles à la gorge »), la France ressemble par certains côtés à Haïti, à l’Albanie soviétique ou à l’Afrique du Sud. « Et en même temps », cette anarchie se double d’une traque tyrannique des honnêtes gens (qui sont les seules personnes à respecter la loi, dans les faits) : auto-attestation pour sortir de chez soi lors du Covid, écrasement fiscal, traçage administratif… et surveillance de plus en plus étroite.
Vivement les Jeux olympiques, qui révéleront au monde entier le visage de la France de 2024, qui n’est pas vraiment celui de la série Emily in Paris : un pays exsangue, qui veut sortir de l’abîme mais que le pouvoir maintient dans la soumission, un pays en voie de déclassement accéléré, un pays où on n’applique pas les OQTF mais où on a des caméras.
Arnaud Florac
Tribune reprise de Boulevard Voltaire