Ce 4 octobre, il était ici fait état de l’enquête de la fondation Jean-Jaurès selon laquelle LFI était un « parti plus dangereux pour la démocratie » que le RN. À l’aune des dernières sorties de la députée melenchoniste Danièle Obono, qui nous invite à « manger nos morts », voilà qui mérite analyse plus précise de cette enquête d’opinion.
Au premier chef, la conclusion qu’en tire Antoine Bristielle, directeur de l’Observatoire de l’opinion de cette même fondation : « Tout d’abord, lors du second tour de la présidentielle, l’écart de voix entre la candidate du Rassemblement national et Emmanuel Macron, qui était de huit millions de voix en 2017, s’est réduit à cinq millions en 2022. Mais ce sont peut-être les élections législatives qui ont constitué l’événement politique le plus symbolique : le RN a réalisé une véritable percée à l’Assemblée nationale en faisant élire 89 députés. »
Et le même de poursuivre : « Comme nous l’écrivions en 2021, cette dynamique électorale du RN se construit en tout premier lieu sur la stratégie de “dédiabolisation” et de “normalisation” enclenchée par Marine Le Pen au milieu des années 2010. » Ce qui n’est pas exactement une bonne nouvelle pour Antoine Bristielle : « Les données de notre dernière enquête viennent encore renforcer l’inquiétude à ce niveau : jamais le Rassemblement national n’a été aussi dédiabolisé dans l’opinion publique. » Fichtre !
Ainsi, en 2016, les 77 % des Français qui qualifiaient le RN de « mouvement d’extrême droite » ne sont aujourd’hui plus que 70 %. Idem pour son procès en « xénophobie », que n’instruisent plus que 52 % des sondés, contre 60 %, six ans auparavant. Quant au fait d’être un « danger pour la démocratie », le taux d’anxieux est désormais passé de 61 % à 54 %. Pas de quoi pavoiser pour Marine Le Pen, objectera-t-on. Mais d’autres chiffres viennent corroborer les craintes de la fondation Jean-Jaurès : « Le RN est toujours considéré comme un danger pour la démocratie chez les proches des partis centristes et de gauche. C’est cependant beaucoup moins vrai chez les proches des Républicains. Seulement 46 % des proches de LR considèrent le RN comme un parti dangereux pour la démocratie. Soit une baisse de quinze points en l’espace d’un an. »
À rebours, 57 % des Français jugent La France insoumise plus « dangereuse » pour cette même démocratie. Et là où le temps se couvre, c’est quand ce sondage révèle que 39 % des Français estiment désormais que le Rassemblement national est « un parti capable de gouverner le pays », contre à peine plus de 20 % il y a seulement six ans. En revanche, seuls 38 % pensent que le Parti socialiste pourrait en faire de même ; taux de confiance qui chute à 26 % pour LFI et 21 % pour EELV. Comme quoi les mouvements politiques faisant partie de ce « cercle de la raison » si cher à Alain Minc ont de quoi se faire du mouron.
D’où la conclusion de la fondation Jean-Jaurès : « À ce niveau, les données de notre dernière enquête sont particulièrement préoccupantes : d’un côté, les différents stigmates associés au Rassemblement national ont considérablement baissé et, d’un autre côté, les jugements positifs ont largement augmenté. »
Cet état de fait est-il seulement à mettre au crédit de Marine Le Pen ? Rien n’est moins sûr, sachant que cette entreprise de dédiabolisation – changement de nom du parti y compris -, fait peu connu, a été enclenchée par son père au lendemain d’une autre élection présidentielle, celle de 2002, tel que confirmé par Louis Aliot, candidat à la présidence de ce mouvement contre Jordan Bardella, lors d’un entretien accordé à France Culture, ce samedi 1er octobre.
Dans le même temps, La France insoumise, lancée dans une course à la radicalisation, n’a pas été pour rien dans la reconnaissance tardive du mouvement lepéniste. Pour résumer, avant de nous inviter à « manger nos morts », Danièle Obono serait sûrement mieux inspirée de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de proférer de telles inepties. Tout comme une Sandrine Rousseau le serait tout autant, plutôt que de stigmatiser la viande rouge cuite au barbecue, alors que tant de Français en sont réduits à cuisiner du jambon-coquillettes afin de nourrir leurs enfants. Ou de l’art de vouloir gouverner sans, et surtout, contre le peuple. Ce dernier semble de moins en moins s’y tromper.
Nicolas Gauthier
Tribune reprise de Boulevard Voltaire