Eric Zemmour, le faux pas qui lui a fait manquer la dernière marche

7 septembre 2022 | France, Politique

Netflix contre Zemmour: le wokisme de salon plus fort que le souverainisme hémiplégique. Une analyse d’Olivier Jouis

Place du Trocadéro, 27 mars 2022, ce devait être le point d’orgue d’une campagne marathon au cours de laquelle Éric Zemmour avait sillonné toute la France. Conçu comme une démonstration de force à l’intention des électeurs encore hésitants, ce rassemblement impressionnant fera néanmoins un bide auprès des médias et sonnera le tocsin de la vague Reconquête.

A moins de cinq semaines du premier tour de l’élection présidentielle, la presse, aux aguets, scrutait le moindre faux pas. Elle ne retiendra que les quelques secondes d’une séquence maladroite et fort regrettable, dont elle fera ses choux gras. “Macron assassin”, scandé à plusieurs reprises par une partie du public. Éric Zemmour, mi-amusé, mi-goguenard, prétendra ne pas avoir entendu depuis le pupitre où il s’exprimait.

14 ans plus tôt, autre campagne, autre lieu, John McCain, pugnace candidat républicain à l’élection présidentielle américaine de 2008, eut lui, l’instinct de contredire sur le champ et sans détour, les propos désobligeants de l’une de ses partisanes à l’endroit de son adversaire démocrate, Barack Obama.

Mauvaise foi ou surdité passagère, ces quelques secondes d’égarement, qui auraient pu, au contraire, faire rentrer Éric Zemmour dans le costume présidentiel, s’il avait eu le réflexe de “demander de vous arrêter” à quelques brebis égarées, ont instillé le doute dans mon soutien, pourtant indéfectible jusqu’à cet épisode malheureux. Macron était un adversaire à combattre, un Narcisse à renvoyer dans les bras de maman, un Thénardier bradeur de France, un agent illuminé et zélé du wokisme, un obligé des grandes fortunes… mais en aucun cas un assassin. L’affrontement politique, même rude, n’interdit pas la retenue ni l’usage d’une certaine urbanité républicaine. Un dérapage c’est sûr, une absence peut être. Mais assurément, un rendez-vous manqué entre Éric Zemmour et son destin.

À gauche, les soutiens de Montebourg mal à l’aise sur les OQTF

Trois mois plus tôt, le 7 décembre 2021, à Villepinte, Éric Zemmour frappe très fort pour son premier meeting de campagne. On s’était habitué à la figure familière du brillant polémiste qui n’avait peur de croiser le fer avec personne mais on ne savait pas que, derrière le journaliste se cachait aussi un brillant orateur, capable de galvaniser les foules. L’homme de droite fait un discours rassembleur et suscite l’intérêt au-delà de son camp, chez certains souverainistes de l’Autre Rive, chez les républicains de gauche.

Face à la pauvreté de l’offre politique de ce début de campagne présidentielle, il apparaît comme un recours possible. A gauche, Arnaud Montebourg venait de jeter l’éponge, crucifié par ses “amis” qui rendent inaudibles ses propositions sur l’exécution des OQTF, et plombent ses sondages, malgré un début de campagne courageux et combatif. Quant au PS, à peine sa candidate désignée que celle-ci était déjà contestée par l’hypothèse Christiane Taubira. A droite, Marine Le Pen fait campagne dans son salon en soignant ses chats tandis que les primaires LR accouchent d’une Valérie Pécresse ni charismatique ni assez rassembleuse pour le rôle qu’elle ambitionne. Macron, sur son Olympe, contemple le jeu politique, persuadé d’enjamber allègrement cette contingence démocratique dans son agenda.

Surprise politique de cette fin d’année 2021, « Reconquête » affole les sondeurs qui placent régulièrement Éric Zemmour sur les marches du podium des finalistes de cette présidentielle, parfois même au second tour. Les militants et les dons affluent de manière spectaculaire et le cap des 100 000 adhérents est dépassé fin janvier. « Reconquête » est jeune et bien doté financièrement tandis qu’en creux, le RN et ses dettes, qu’il peine à rembourser auprès des banques russes, fait pâle figure.

Les meetings, scénarisés au millimètre, s’enchaînent à un rythme effréné, parfois plusieurs par semaine, aux quatre coins du pays. Éric Zemmour est sur tous les fronts médiatiques, les journaux, les matinales et les télés en continu s’arrachent ce “bon client”, jamais avare d’une punchline bien sentie, et toujours volontaire pour un débat. Des porte-paroles sont désignés pour prendre le relai de la pensée zemmourienne et répondre aux multiples sollicitations : Philippe de Villiers, un temps hésitant car ancien grand brûlé du macronisme, rejoint finalement la campagne avec un enthousiasme de jeune homme, tandis que Jean Messiha, parti avec fracas du RN quelques mois plus tôt, investit les plateaux des émissions de divertissement pour croiser le fer, avec courage et gourmandise, avec les Belattar de tout poil.

La stratégie « gagnante » de Marine Le Pen

Face à la drague à peine voilée de « Reconquête » auprès des élus RN, Marine Le Pen sort de sa torpeur et sort ses griffes : elle menace d’excommunier tous les félons qui seraient tentés de quitter le navire, en leur rappelant le sort d’intouchables proscrits auxquels les mégrétistes furent condamnés, il y a 20 ans. Cela n’impressionne ni Gilbert Collard, ni Nicolas Bay qui larguent les amarres. Quant aux LR, sidérés par le culot de l’ancien journaliste qui ne connaît aucune retenue, ils assistent muets et prostrés au braconnage sans ménagement de leurs terres électorales. Guillaume Peltier, déjà vieux routard de la droite mais jeune vice-président du parti héritier du gaullisme, franchit le Rubicon et déclare sa flamme à « Reconquête ». Des messages de sympathie discrets sont envoyés par des députés LR, inquiets pour leur propre sort aux futures élections législatives. Malgré tous ses efforts, Peltier ne ramènera aucun poids lourd LR dans ses filets. L’union des droites, théorisée par Éric Zemmour, commence donc modestement car la digue instituée par François Mitterrand et consolidée par Jacques Chirac, tient toujours bon. Les castors ont de la ressource.

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