Iran : pourquoi une fatwa contre Salman Rushdie ?

22 août 2022 | Actualité internationale

Victime d’une attaque le 12 août dernier, Salman Rushdie est sous la coupe d’une fatwa depuis 1989. Retour sur les causes historiques et politiques qui ont conduit à cette décision et sur le rôle que cela joue en Iran.

Le 14 février 1989, Ruhollah Khomeini, le chef suprême du régime clérical iranien, a émis une fatwa – un décret religieux – disant que chaque musulman dans le monde avait le devoir de tuer Salman Rushdie, l’auteur indien britannique du roman Les Versets sataniques. Khomeini considérait que le livre était blasphématoire vis-à-vis du prophète de l’Islam.

Khomeini est même allé jusqu’à affirmer que « si un non-musulman a connaissance du lieu où se trouve Rushdie et peut l’exécuter plus rapidement que les musulmans, il incombe aux musulmans de payer une récompense ou un droit en échange de cette action. »

La fatwa est intervenue alors que Khomeiny était confronté à des problèmes considérables en Iran. La guerre de huit ans avec l’Irak s’était terminée quelques mois auparavant, laissant la machine militaire du régime iranien en lambeaux. En juillet 1988, le guide suprême avait déjà émis une fatwa qui avait conduit au massacre de quelque 30 000 prisonniers politiques incarcérés dans les prisons du pays qui n’avaient pas renoncé à soutenir le principal mouvement d’opposition, les Mojahedin-e-Khalq (MEK).

Contexte politique de la fatwa

Privé de sa raison d’être extraterritoriale favorite, la guerre extérieure, Khomeini avait besoin d’un autre moteur extérieur pour ses irréductibles religieux. Il a utilisé le livre de Rushdi comme prétexte.

Mais la fatwa était plus qu’une mesure politique, même si elle est arrivée à un moment très opportun pour apporter une aide politique au régime. Khomeini a toujours rêvé de rétablir l’Empire ottoman et a longtemps cherché à établir sa puissance religieuse sur des musulmans éloignés de l’Iran.

C’est pourquoi, d’autres personnalités politiques du régime, à commencer par l’héritier présomptif de Khomeini et le prochain dirigeant suprême du régime, Ali Khamenei, n’ont jamais pris la moindre distance avec la fatwa et ont même essayé de la renforcer.

Le 14 février 1993, Khamenei a déclaré : « L’imam [Khomeiny] a décoché une flèche vers cet homme qui est un menteur et un calomniateur. Sa flèche a quitté l’arc, et la cible est précise. Tôt ou tard, cette flèche atteindra sa cible. En effet, sa sentence [de mort] doit être appliquée, et elle le sera. » Il l’a encore confirmé en octobre 2015 en faisant l’éloge du décret de mort de Khomeiny contre l’auteur britannique.

La flèche décochée sur la fatwa de Khomeiny a frôlé sa cible le 12 août dernier à New York.

Salman Rushdie a été grièvement blessé par Hadi Matar, un Américain d’origine libanaise alors qu’il donnait une conférence dans une association américaine.

Mais les mollahs n’avaient laissé aucun doute sur le fait que, loin d’être une opinion religieuse, la fatwa de Khomeiny était un ordre d’État.

L’Organisation islamique de développement, l’une des principales agences du régime pour la propagation du terrorisme et du fondamentalisme, a annoncé le 1er octobre 1998 : « Cette fatwa et ce décret historiques ont été émis depuis la position de l’État, et il s’agit donc d’un décret d’État. Il restera applicable jusqu’à ce que le régime [clérical] soit au pouvoir. »

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