Dix jours après le second tour des législatives, l’Assemblée nationale vient d’élire son président, ou plutôt sa présidente, puisque Yaël Braun-Pivet devient la première femme à accéder à cette haute fonction. Cette féminisation du perchoir est apparemment une grande et belle chose, un formidable « progrès » puisque dorénavant le seul fait d’être une femme est une qualité en soi, ce qui est tout de même, il faut bien le dire, le comble du sexisme. Il s’agit en tout cas d’une remarquable promotion pour cette mère de famille de 51 ans arrivée en politique il y a à peine 5 ans et souvent taxée « d’amateurisme » par ses collègues. A l’issue d’un scrutin sans surprise, Yaël Braun-Pivet succède donc à Richard Ferrand après un passage éclair au gouvernement où elle aura été durant trente-six jours ministre des Outre-mer. Un passage extrêmement bref d’ailleurs perçu comme un manque de respect et de considération par plusieurs élus locaux de ces territoires qui ont exprimé leur réprobation. On pourrait également reprocher au député des Yvelines sa gestion de « l’affaire Benalla », la commission d’enquête sur l’ex-collaborateur du président Macron, dont Yaël Braun-Pivet était co-rapporteur, ayant explosé après le retrait de l’opposition qui l’accusait de « protéger » l’Elysée. Cet épisode lui vaudra d’ailleurs d’être qualifiée par « l’insoumis » Alexis Corbière de « Benalla de l’Assemblée nationale ».
Cette séance inaugurale aura par ailleurs vu Daniele Obono refuser ostensiblement de serrer la main de son collègue du RN Julien Odoul qui s’était retrouvé assis à côté de la passionaria indigéniste par le hasard du placement alphabétique. Une médiocre impolitesse que l’élue « insoumise » considère sans doute comme un grand acte de bravoure et de résistance. Malheureusement, le palais Bourbon ne dispense pas de cours de maintien ni de savoir-vivre.
La Nupes s’est d’ailleurs montrée très offensive pour ce début de mandature, parvenant à présenter un candidat commun pour le poste de président de la commission des Finances de l’Assemblée. C’est finalement « l’insoumis » Eric Coquerel, élu de Seine-Saint-Denis, qui a été préféré à la socialiste Valérie Larbaut, confirmant le rapport de forces en faveur de LFI existant au sein de la fragile coalition. Cette candidature coupe l’herbe sous le pied du Rassemblement National dont le candidat, Jean-Philippe Tanguy, député de la Somme, se retrouve en infériorité numérique et n’a plus qu’à espérer l’hypothétique ralliement de voix en provenance des Républicains (Elisabeth Borne ayant assuré que la majorité présidentielle ne prendrait pas part au scrutin). Le RN dénonce d’ailleurs des « manœuvres d’appareil » et « la piraterie de la Nupes sur tous les postes de l’Assemblée nationale ».
La nouvelle mandature s’annonce donc « sportive » et il ne reste qu’à espérer, comme l’a évoqué le doyen de l’Assemblée dans son discours, que les élus du peuple fassent passer l’intérêt supérieur de celui-ci avant les passions partisanes et les stratégies personnelles. On peut, hélas, fort légitimement en douter mais, comme diraient les spécialistes du marketing : « laissons sa chance au produit ! »
Xavier Eman
Article paru dans Présent daté du 29 juin 2022