Signe ô combien révélateur du grand déclassement et de la lente tiers-mondisation de notre pays, la France, après avoir été pendant des décennies l’un des meilleurs élèves de l’Europe en matière de lutte contre la mortalité infantile, est aujourd’hui devenue l’un de ses pires cancres. En effet, à en croire une nouvelle étude publiée début mars par la revue scientifique The Lancet, le nombre d’enfants décédés avant d’avoir atteint l’âge d’un an en France aurait bondi de quelque 7 % au cours des dix dernières années ! Une augmentation qui inquiète grandement les pédiatres et autres spécialistes de la néonatalogie qui, malgré leurs avertissements répétés en direction du gouvernement, attendent désespérément que celui-ci veuille bien enfin se mobiliser.
Un bond de 7 % en moins de dix ans !
En étudiant les données de l’INSEE couvrant la période allant de 2001 à 2019, les scientifiques chargés de cette étude se sont ainsi aperçus qu’entre 2012 et 2019, le taux de mortalité infantile en France était passé de 3,32 décès pour 1 000 naissances à 3,56, enregistrant une augmentation assez préoccupante de 7 % en moins de 10 ans ! Dans le détail, leurs recherches ont fait apparaître qu’au cours de cette même période, 53 077 décès de nourrissons de moins d’un an avaient été enregistrés parmi les 14 622 096 naissances vivantes, soit un taux de mortalité infantile moyen de 3,63 pour 1 000. Près d’un quart de ces décès étaient survenus au cours du premier jour de vie du nourrisson, la moitié au cours de la première semaine suivant la naissance. Des résultats évidemment très mauvais, mais qui n’ont cependant pas vraiment surpris les auteurs de l’étude du Lancet puisque, il y a quelques années déjà, plusieurs enquêtes avaient mis en évidence l’inquiétante incapacité de notre pays à réduire son taux de mortalité infantile depuis dix ans.
Aucune réaction des pouvoirs publics
Une évolution à ce point préoccupante que, en 2020, le professeur Rozé, président de la Société française de néonatologie, devait alerter le cabinet d’Agnès Buzyn et demander au gouvernement de faire de ce dossier une priorité de santé publique. Or, depuis ce cri d’alarme, rien ! Aucune réaction des pouvoirs publics. Royalement ignorés par ces derniers et totalement dépourvus de fonds qui pourraient leur permettre de mener des études plus approfondies afin d’expliquer cette hausse de la mortalité infantile, les scientifiques en sont aujourd’hui réduits à émettre une foule d’hypothèses. Dont celle de l’augmentation des naissances à risque liées à des grossesses de plus en plus tardives, et à la progression inquiétante du tabagisme ainsi que de l’obésité chez les femmes. Ou encore les conséquences d’une importante dégradation du parcours de soin pour les femmes enceintes, résultant notamment de la fermeture de plus de la moitié des maternités françaises au cours des vingt dernières années.
p class=”relecture” style=”text-align: right;”>Franck Deletraz
Article paru dans Présent daté du 4 mai 2022