Eric Zemmour était lundi sur RTL. Il a bien évidemment été interrogé sur l’agression russe. Comme toute la classe politique, il s’est bien indigné de cette attaque, et a mis clairement en cause le président Poutine : « C’est l’agresseur. C’est le seul coupable. Il a décidé d’agresser et de ne pas respecter la souveraineté ukrainienne. »
Le candidat de Reconquête a également reconnu avoir « dit une bêtise », en décembre dernier, quand il s’était dit prêt à parier que la Russie n’attaquerait pas l’Ukraine. « Tous les experts le disaient, j’aurais dû être plus lucide. » Cette autocritique, Présent peut la faire aussi, même si notre correspondant en Pologne était plus inquiet que nos lecteurs – et depuis longtemps – sur la dérive poutinienne. Mais qui aurait pu imaginer que Poutine – à qui tout avait réussi jusqu’alors – commette une telle erreur ? Vingt-deux ans d’affilée au pouvoir, accompagnés d’une élimination progressive des contre-pouvoirs, pouvaient laisser craindre un grave dérapage, à la longue. Nous y sommes.
Le mea culpa de Zemmour est néanmoins accompagné de quelques analyses qui détonnent dans l’unanimisme ambiant. Voulant « voir plus loin que l’émotion », Eric Zemmour a en effet tenu à rappeler la responsabilité de l’OTAN (mais certes pas sa culpabilité) dans le coup de force de Poutine. Il a taclé au passage Jean-Yves Le Drian pour ses propos de jeudi dernier présentant l’OTAN comme une puissance nucléaire à part entière. S’il avait voulu jeter de l’huile sur le feu, c’était ce qu’il fallait dire. D’où l’immédiate « montée aux extrêmes nucléaires ».
En planifiant une sorte d’encerclement de la Russie, l’OTAN – c’est-à-dire les Etats-Unis, en dernière analyse – a contribué à réveiller chez Poutine une nostalgie de cette URSS qui, dans le cadre d’un « équilibre de la terreur », faisait jeu égal avec les Etats-Unis, certes au prix d’un asservissement du pays, et des pays voisins, prétendument souverains, au sein du pacte de Varsovie.
Une situation qui rappelle un peu la responsabilité de la SDN dans l’évolution de l’Italie de Mussolini, à l’occasion de l’affaire d’Ethiopie Avec à la clé, on s’en souvient, un rapprochement de l’Italie et de l’Allemagne, la constitution d’un « axe », et une guerre mondiale, pour finir. Voilà une référence historique assez peu rassurante.
Les comportements des chefs d’Etat autocrates
Sans doute l’analyse d’Eric Zemmour est-elle trop subtile pour les spécialistes de géopolitique, mais ils devraient savoir que dans ce domaine ni les idéologies ni les évidences ne dictent obligatoirement les comportements de chefs d’Etat autocrates.
Cette réflexion de Zemmour a néanmoins suscité une avalanche de commentaires hostiles, notamment ceux d’un sous-ministre de Macron, le dénommé Clément Beaune, qui évoque « une faute, une folie ».
De même, concernant la question des réfugiés, Eric Zemmour s’est distingué du discours des autres politiques, comme de celui des commentateurs : il s’est en effet opposé à l’accueil de réfugiés ukrainiens en France : « Je pense qu’il nous faut aider les Polonais à les accueillir, je préfère qu’ils soient en Pologne. Ils pourront plus facilement rentrer chez eux quand la guerre sera finie. » C’est une réflexion de bon sens. Le maintien des réfugiés dans des pays limitrophes est logique. On a vu la folie – meurtrière – que de vouloir accueillir à tout prix des réfugiés afghans en France. C’était un non-sens, une incitation à les faire changer de vie au lieu de les pousser à libérer leur pays.
500 000 Ukrainiens sont arrivés dans l’Union européenne. Il est logique qu’ils restent en Pologne, en Slovaquie, en Roumanie, solidaires de leurs concitoyens qui se battent, plutôt que de les transplanter en France, avec logements, nourriture et argent de poche, comme s’ils étaient destinés à ne plus jamais revenir chez eux.
Mais même cette réflexion de bon sens a suscité l’ire du dénommé Beaune qui y a vu de l’insensibilité, mais qui n’a pas pour autant identifié du racisme quand le député macronien (Modem) Bourlanges s’est félicité pour sa part d’une « immigration de grande qualité » par rapport à l’immigration habituelle (de mauvaise qualité ?).
Francis Bergeron
Article paru dans Présent daté du 1er mars 2022