Passant son week-end au téléphone avec Biden et Poutine, Macron joue les Daladier dans l’espoir d’apparaître comme le sauveur de la paix. Mais les présidents russe et américain n’ont que faire de cette mouche du coche.
L’armée russe prolonge ses manœuvres en Biélorussie tandis que le retrait annoncé d’une partie des troupes russes amassées en Crimée et le long de la frontière ukrainienne a été qualifié de fictif par les Américains et l’OTAN, qui parlent désormais de 190 000 soldats russes encerclant l’Ukraine. S’il est difficile de faire la part des choses dans cette guerre de l’information entre les deux camps, il y a désormais de quoi s’inquiéter face à ce qui ressemble furieusement à une opération d’intoxication russe dans le Donbass comme pour justifier une attaque « défensive », dans la droite ligne de la doctrine soviétique des années de la guerre froide. Car qui à l’étranger, mis à part les agents payés et les idiots utiles, peut croire que l’Ukraine choisirait ce moment où la Russie a mis en place une force d’invasion qui l’encercle, y compris du côté de la mer Noire, pour lancer une grande offensive dans le but de reprendre le Donbass ? Et cela, rappelons-le, alors que les Américains et l’OTAN ont clairement fait savoir qu’ils ne comptaient bien entendu pas intervenir militairement du côté de l’Ukraine en cas d’attaque russe et qu’ils se contenteront d’appliquer des sanctions économiques.
Vendredi, alors que depuis plusieurs jours armée ukrainienne et républiques séparatistes de Lougansk et Donetsk s’accusaient mutuellement de violations répétées du cessez-le-feu par des tirs à l’arme lourde (les observateurs de l’OSCE disent avoir recensé près de 2 000 violations du cessez-le-feu pour la seule journée de samedi), une explosion à la voiture piégée, qui n’a pas fait de victime, a eu lieu à Donetsk. Elle était censée viser le chef de la police. Denis Pouchiline, le président de la République populaire du Donetsk, expliquait le même jour dans les médias russes que la guerre était inévitable, Kiev ayant selon lui décidé de lancer une grande offensive. Les deux républiques populaires avaient déjà annoncé l’évacuation des civils, et la Russie, qui accuse l’Ukraine de génocide au Donbass, se préparait à l’accueil de centaines de milliers de réfugiés. Tout semble donc prêt pour justifier une intervention russe d’ampleur comme en 2008 dans les territoires séparatistes de Géorgie, et ce peut-être dans le but d’annexer définitivement le Donbass ukrainien mais russophone comme cela avait été fait en 2014 avec la Crimée.
Le président français Emmanuel Macron s’est entretenu au téléphone dimanche avec son homologue russe Vladimir Poutine puis avec le président américain Joe Biden et a obtenu que les deux hommes se parlent encore une fois avant d’élargir les pourparlers « à toutes les parties prenantes ». Les Américains ont toutefois précisé que ces discussions entre Biden et Poutine n’auront pas lieu d’être si l’invasion russe a déjà commencé d’ici là.
Parallèlement, la Pologne, qui préside en ce moment l’OSCE, a convoqué à la demande de l’Ukraine une réunion extraordinaire de l’organisation, tandis que l’absence de la Russie à la Conférence sur la sécurité de Munich ce week-end a été remarquée, puisque c’était la première fois en trente ans que Moscou n’envoyait aucune délégation à cette conférence. En début de semaine, la Russie n’avait pas non plus participé à une réunion de l’OSCE demandée par l’Ukraine pour exiger des explications de la Russie sur ses importants mouvements de troupes à ses frontières.
Olivier Bault
Article paru dans Présent daté du 21 février 2022