Le 30 mars 2022 sortira, sur nos écrans, le film Le monde d’hier, réalisé par Diastème, avec Léa Drucker et Denis Podalydès. L’histoire est simple. Voici, par exemple, ce qu’en dit le site Allociné : « Alors qu’elle s’apprête à quitter la vie politique, Élisabeth de Raincy (Drucker), présidente de la République, découvre qu’un scandale va éclabousser son successeur désigné et donner la victoire au candidat d’extrême droite. Elle et son équipe ont trois jours pour changer le cours de l’Histoire. »
Il faut, de toute urgence, voir la bande-annonce de ce film. Rien n’y manque : l’ombre d’une « Internationale fasciste » (Pologne, Brésil et même… Turquie) dont la France, avec un Président d’extrême droite, pourrait « prendre la tête » ; la Présidente, « républicaine » bien sûr, qui est prête à mobiliser les moyens clandestins de l’État pour faire tomber un candidat à l’élection présidentielle ; les plans nerveux, qui évoquent un de ces thrillers à la Tom Clancy, où une bombe nucléaire a disparu des arsenaux… sauf que, dans ce cas précis, la « Somme de toutes les peurs », pour reprendre l’un des titres de l’auteur américain, c’est tout simplement la voix du peuple.
C’est bien le cœur du problème : les scénaristes (Diastème, le duo Davet et Lhomme ainsi que Christophe Honoré) assument de mettre en scène des « gentils » qui, avec des moyens illégaux, luttent contre le suffrage universel pour préserver l’idée qu’ils se font de la République. Mieux : le réalisateur ne s’imaginait pas faire autre chose. Lisons, par exemple, ce qu’il dit dans le dossier de presse du film :
« Le problème n’a malheureusement fait qu’empirer depuis 2015, non seulement en France mais partout dans le monde. C’est évidemment un sujet qui me préoccupe. Quelque temps après l’élection d’Emmanuel Macron, après avoir vu ce qui s’était passé autour de la candidature de François Fillon, je n’ai pas pu m’empêcher de me dire : et si une histoire de ce genre, plus grave peut-être, était arrivée à Macron entre les deux tours, que se serait-il passé ?
Dans le même temps, il y a eu Trump, Bolsonaro, la Turquie, la Hongrie, la Pologne, Salvini en Italie. Je ne me voyais pas écrire sur autre chose… Un Français a été le premier film à parler de l’extrême droite d’aujourd’hui, de manière frontale, et je crois qu’il n’y en a eu qu’un depuis : Chez nous, de Lucas Belvaux. C’est surprenant car c’est à mon sens le plus gros problème de notre société à court terme. » On ne saurait être plus explicite.
Le film Un Français, dont parle Diastème ci-dessus, était une autre de ses créations, sortie en 2014. Il y suivait un jeune skinhead qui apprenait progressivement à se détacher de l’extrême droite. Une sorte d’American History X commandé sur Wish. Toujours cette manie de la psychiatrisation : l’extrême droite, telle que ses adversaires la désignent, est le camp des malades mentaux, des ratés, des malheureux. Ses adeptes doivent être soignés. L’œuvre de Diastème fait apparemment partie de la gamme des médicaments prévus à cet effet.
Comme tous les films, celui-ci a été sponsorisé en partie par des fonds publics, c’est-à-dire, chers amis, par nos impôts. Comme peu de films, en revanche, celui-ci sort sur les écrans le 30 mars 2022, c’est-à-dire… 11 jours avant le premier tour de l’élection présidentielle. Ce que le hasard peut faire, tout de même, c’est assez incroyable.
Peut-être ce chef-d’œuvre immortel aidera-t-il quelques « fachos », humiliés de se voir ainsi dépeints en complices du Mal, à voter pour le « bon camp ». Ou peut-être que les gens en ont marre qu’on leur dise quoi faire, quoi penser ou non, pour qui voter ou non ; peut-être que la démocratie, c’est faire confiance au peuple, au lieu d’utiliser l’appareil d’État pour prolonger artificiellement un système à bout de souffle. Souhaitons à ce grand film le succès qu’il méritera.
Arnaud Florac
Tribune reprise de Boulevard Voltaire