Pendant plus de quatre mois (du 20 novembre au 27 mars prochain), et dans dix-huit musées de province – de Toulouse à Tourcoing en passant par Marseille, Nantes ou Nancy –, les Français de souche et surtout les Français de papiers sont invités à visiter des expositions consacrées aux « arts de l’islam », comme si le gouvernement, alors que chaque jour l’islam se rappelle à notre bon souvenir, voulait utiliser la culture comme arme de persuasion massive et allumer ainsi un contre-feu aux différentes réactions à la cancel culture ambiante. Depuis des mois, en effet, le musée du Louvre et la réunion des Musées nationaux, avec le concours surprenant de la Fondation pour l’Islam de France et son président Ghaleb Bencheik, planchent sur le sujet.
Une opération politique
Un sujet qui a été imposé conjointement à Roselyne Bachelot et à Jean-Michel Blanquer par Jean Castex sur ordre d’Emmanuel Macron, obsédé par le séparatisme islamiste mais qui veut, en même temps, faire oublier l’assassinat de Samuel Paty. Le locataire de Matignon a pour objectif de « mieux faire connaître sur notre territoires les cultures islamiques… et de rappeler l’importance des échanges anciens étroits et féconds tissés entre la France et l’Orient ». Il agite le mythe de « l’histoire multiculturelle de la civilisation islamique » – les Chypriotes grecs orthodoxes et les Arméniens du Haut-Karabagh pleurant devant leurs églises détruites et leurs cimetières profanés apprécieront – et souhaite que ces différentes manifestations permettent aux jeunes musulmans vivant en France « de devenir demain des républicains capables d’aimer le pays dans lequel ils vivent et de comprendre le monde qui les entoure ». Une manipulation confirmée par le président de l’Islam de France, qui dans le dossier de présentation de ce machin, affirme que « ce n’est que par l’acquisition du savoir que l’on devient un citoyen musulman en France et que l’on réussit un polissage des cœurs et un assainissement de l’âme ». Sortez les mouchoirs !
La palme de la démagogie revient à Castex qui, citant le poète Djalal ad-Din Rumi (« Elève tes mots, pas ta voix. C’est la pluie qui fait grandir les fleurs, pas le tonnerre ») écrit que cette exposition est une réponse directe à tous les discours de haine et les tentations anxiogènes. Zemmour et Marine n’ont qu’à bien se tenir. Bien évidemment, personne ne souffle mot de la colonisation exercée au nom de l’islam pendant plus de sept cents ans en Espagne, ou plus d’un demi-millénaire dans les Balkans sans oublier l’Afrique.
Un titre ambigu
Cette dénomination « arts de l’islam » est tellement sujette à interprétations diverses que la commissaire générale de cette exposition, Yannick Lintz, éprouve le besoin de mettre les pendules à l’heure. Directrice générale de l’ancienne section « arts musulmans » créée en 1893 au musée du Louvre avant de devenir la section d’art islamique du département des antiquités orientales en 1945 et d’obtenir une existence indépendante de département en 2003 grâce à un certain Chirac dont l’appétence pour la civilisation musulmane était connue, cette spécialiste du monde musulman affirme que le terme « arts de l’islam » ne signifie pas qu’il s’agit d’un art religieux et que l’on ne peut pas dire que cette civilisation interdit l’image. On sait pourtant qu’en tant que religion du Livre, l’islam s’inscrit dans la continuité de la tradition juive de l’aniconisme avec l’absence de toute représentation animale et humaine dans les mosquées, les illustrations du Coran ou le mobilier religieux. Yannick Lintz aurait-elle oublié le prophète Mahomet qui, en 630, interdisait toutes les statues et autres idoles de la Kaaba ou l’édit de Yazid qui, en 721, ordonnait la destruction de toutes les images religieuses ? Et comment explique-t-elle le geste du chef djihadiste Ahmad-al-Mahdi qui a fait détruire en 2016 la plupart des mausolées de Tombouctou inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco et qui a été reconnu coupable de « crimes de Guerre » ? Que pense-t-elle des talibans qui ont fait exploser, il y a vingt ans, les grands bouddhas de Bamiyan et des inquiétudes que nourrit Sophie Makariou, présidente du musée Guimet, à l’égard des nouveaux maîtres de Kaboul prêts à détruire les trésors du musée de la ville et ses statues gréco-bouddhiques dont Malraux comparait le sourire à celui de l’ange de la Cathédrale de Reims ?
On ne peut certes pas passer sous silence certaines merveilles de cet art oriental qui doit beaucoup à la tradition byzantine, aux manuscrits ou à la miniature persane, mais également à l’héritage gréco-bouddhique ou tout simplement à la Chine. N’oublions pas, par exemple, que le plan ottoman des mosquées est directement inspiré par Sainte-Sophie et que les mosaïstes qui ont habillé la Grande mosquée des Omeyades à Damas ont puisé leur inspiration dans le monde byzantin, en reprenant leurs codes iconographiques mais en remplaçant les saints de la Rotonde de l’Eglise Saint-Georges de Thessalonique par des arbres et des motifs végétaux.
Cachez cette tenture…
Au moment où le gouvernement, par cette opération de propagande culturelle au service de l’islam, va offrir aux populations d’origine musulmane présentes sur notre sol, l’occasion d’affirmer leur identité culturelle et religieuse avec encore plus de force, vient de surgir une polémique aberrante autour d’une tenture des Gobelins ayant pour thème les Indes occidentales. Tissée entre 1723 et 1726, elle fut envoyée à la demande de Louis XV à Rome pour décorer le palais Mancini avant de rejoindre la Villa Médicis au début du siècle suivant. A l’origine de cette tapisserie, l’expédition aux « Indes de l’ouest » – le Brésil actuel – qui étaient alors une colonie hollandaise, entre 1637 et 1644, du Comte Jean-Maurice de Nassau-Siegen accompagné d’une équipe scientifique et de peintres chargés de reproduire les paysages, les plantes, les animaux et les habitants de ces contrées inconnues des Européens. Louis XIV apprécie les tableaux et autres peintures qui lui sont offerts au retour de ce long périple et donne son feu vert pour que ces tableaux servent de modèles à la future tapisserie qui fut tissée pour la première fois en 1687.
La tenture rééditée en 1726 menait une vie paisible jusqu’en 2018, date d’une première tentative de déstabilisation décoloniale qui échoue lamentablement. Les décoloniaux ne désarment pas et remettent le couvert il y a quelques semaines en exigeant l’organisation d’une journée de réflexion afin de « ré-envisager les objets patrimoniaux à l’aune de perspectives méthodologiques et épistémiques nouvelles ». Bonjour la langue de bois. Un cartel explicatif est installé mais certains pensionnaires dont l’artiste-résident tunisien Nidhal Chamek ne s’en contentent pas et exigent son décrochage. Après avoir examiné les différentes tentures sous toutes les coutures, ils condamnent « l’exploitation coloniale qui se sert du labeur des esclaves africains ». Manque de chance pour eux, il s’agit d’une mission diplomatique africaine visitant la région. Cette politique de la censure et cette volonté de détruire tout ce qui n’est pas conforme à l’idéologie qui a vu le jour sur les campus américains des années 1960 et qui est remise au goût du jour par les adeptes de Biden n’en finit pas de peser dans nos pays d’Europe. Elle a comme un goût de révolution culturelle chinoise et si nos « zélites » et nos intellectuels continuent de se comporter en dhimmis, nous serons bientôt pris en tenaille entre un islam qui ne demande qu’à officier et une dictature à la chinoise.
Francoise Monestier
Article paru dans Présent daté du 10 novembre 2021