Entre attaque au couteau à Cannes, débarquements incessants en Italie et tentative d’invasion en Pologne, l’Europe est confrontée de toutes parts aux assauts de l’immigration. Face aux risques de submersion, ses dirigeants vont-ils enfin réagir et se montrer à la hauteur des enjeux ? On peut, hélas, en douter.
De notre correspondant permanent à Varsovie. – Le contraste est saisissant. Dimanche en fin d’après-midi, le navire allemand Sea-Eye 4 débarquait sous les applaudissements 843 « migrants » dans le port italien de Trapani, en Sicile. Lundi, un autre bateau, l’Ocean Viking de l’ONG française SOS Méditerranée, attendait encore au large de Lampedusa de pouvoir débarquer ses 308 immigrants illégaux. Lundi toujours, à la frontière orientale de l’UE, les forces polonaises repoussaient un bon millier d’immigrants arabo-musulmans amenés en Biélorussie par le régime de Loukachenko. C’était le plus gros assaut migratoire qu’ait jamais connu la Pologne qui, comme la Hongrie depuis 2015 et les pays Baltes depuis le mois d’août, a choisi de repousser ces nouveaux colons à tout prix pour dissuader leurs compatriotes de tenter de passer par la nouvelle route migratoire ouverte par le plus proche allié de la Russie.
Dès lundi matin, les autorités polonaises annonçaient l’approche d’une colonne de plusieurs centaines de « migrants » moyen-orientaux côté biélorusse près du point de passage de Kuznica. Leur nombre dans l’après-midi de lundi à proximité de la ligne de barbelés dressée à la hâte par l’armée au mois d’août, en attendant une clôture plus difficile à franchir (voir « Pologne : bientôt une barrière anti-migrants » dans Présent d’hier), était estimé à un millier environ, mais d’autres ont rejoint dans la nuit de lundi à mardi le campement établi par ces candidats à l’immigration illégale, malgré les températures négatives. Depuis mardi matin, le point de passage de Kuznica, où un groupe de « migrants » s’était également attroupé, a été fermé jusqu’à nouvel ordre.
Le nombre de militaires polonais déployés à la frontière pour assister les milliers de policiers et gardes-frontières est désormais passé de dix mille à douze mille, et deux unités de la défense territoriale proches de la frontière ont été mobilisées lundi. Ces unités, créées il y a quelques années, sont constituées de volontaires qui allient vie civile et entraînement militaires réguliers pour pouvoir assurer dans leur région de résidence des missions de sécurité civile, de soutien aux forces armées régulières ou de guerre de partisans sur les arrières d’un envahisseur.
Du côté biélorusse, des coups de feu ont été entendus à plusieurs reprises lundi. Il s’agissait apparemment de militaires ou policiers biélorusses qui tiraient en l’air pour dissuader les immigrants de rebrousser chemin vers l’intérieur de la Biélorussie. Mardi matin, la situation semblait s’être inversée, avec les mêmes Biélorusses qui dissuadaient les nouvelles vagues d’arrivants de s’approcher de la frontière polonaise. D’après le porte-parole du gouvernement polonais, il y aurait entre trois et quatre mille de ces immigrants à proximité de Kuznica et au moins quinze ou vingt mille en ce moment en Biélorussie.
« Tout doit être fait pour venir en aide à la Pologne, confrontée à une véritable agression migratoire ! La France doit immédiatement envoyer des effectifs de la police aux frontières et soutenir les Polonais abandonnés par l’UE », écrivait lundi Marine Le Pen sur Twitter. Et il est vrai que l’UE s’en tient pour le moment aux simples déclarations de soutien, avec notamment la présidente de la Commission européenne qui réclamait lundi de nouvelles sanctions contre le régime biélorusse. Mais la même Commission européenne multiplie en même temps les demandes de sanctions contre Varsovie tandis que le Parlement européen doit voter jeudi, jour de la fête de l’Indépendance en Pologne (et de la fête de l’Armistice chez nous), une nouvelle résolution contre la Pologne, à propos de l’avortement.
Olivier Bault
Article paru dans Présent daté du 8 novembre 2021