Élections régionales – AUCUNE RÉGION de se réjouir, par Francis Bergeron

28 juin 2021 | France, Politique

Sur fond de victoire de l’abstention, ce fut la victoire des sortants et l’échec symétrique du RN et de LREM, qui n’avaient pas de sortants.

Comme au premier tour, le taux d’abstention a démenti une fois de plus les pronostics. Les votants ont représenté environ 34,3 % des inscrits, soit une amélioration d’1 % par rapport au premier tour. En 2010, ils étaient 58,4 % à avoir voté et encore 51,1 % en 2015. A ce train-là, il n’y aura plus de votants du tout dans dix ans.

Les résultats de dimanche sont certes contestables et difficiles à interpréter, d’autant que l’organisation des élections a été très défaillante. L’abstention est-elle devenue la forme de vote des Gilets jaunes ? Beaucoup de commentateurs l’ont interprété ainsi, mais peut-on exclure l’idée que la crise du Covid ait bouleversé la hiérarchie des valeurs, renforcé l’individualisme au point que le primum vivere passe dorénavant avant tout, et que les aventures collectives – comme l’est l’aventure politique – ne tentent plus guère nos concitoyens ?

Mais une élection, c’est comme le bac : il y a des années où sa valeur est galvaudée et, sur le coup, chacun y va de sa critique sur la crédibilité du parchemin attribué ces années-là. Mais très vite on oublie qu’il y a eu des années où le bac a été donné. Le temps en efface la mémoire, et ce qui reste, c’est le bac réussi. Il en sera de même pour ces élections du 27 juin. Xavier Bertrand, dimanche soir, n’entendait pas que sa victoire dans les Hauts-de-France soit minimisée, d’autant que celle-ci doit constituer le tremplin de ses ambitions présidentielles.

Pour LREM c’est un désastre

L’abstention est la même pour tous : s’il y a des gagnants et des perdants, il faut bien tenir compte des résultats. Les gagnants sont donc les sortants ou leurs dauphins dans chacune des régions. Et comme ces douze régions ne comptaient que des sortants socialistes ou LR (ou proches), la coloration des douze régions reste strictement identique : cinq régions pour la gauche et sept pour la droite.

Pour LREM c’est un désastre : les listes macronistes n’auront pesé que 7 % au second tour. Certes, beaucoup d’élus de droite et de gauche sont macron-compatibles, mais le rêve d’une grande force centrale, qui aurait absorbé à la fois la mouvance socialiste et la mouvance ex-UMP, s’estompe.

Par ailleurs, un second mandat présidentiel pour Macron est une perspective qui a dorénavant du plomb dans l’aile, d’autant que ceux de ses ministres qui sont montés au front ont subi de cuisants revers.

Quant au RN, sa situation est difficile aussi. Dans sa courte intervention au siège du parti, dimanche soir, Marine Le Pen a « donné rendez-vous aux Français pour construire l’alternance dont la France a besoin ». Mais les Français seront-ils à ce rendez-vous ? L’abstention des 20 et 27 juin semble avoir pénalisé davantage le RN que les autres partis, quand on compare les résultats aux sondages, ce qui fait craindre une persistance du phénomène et, dans ces conditions, c’est la légitimité même de la candidature de Marine Le Pen à la présidentielle qui risque d’être remise en cause. Ce sera le problème du RN, lors du congrès de Perpignan, début juillet.

Le parti de Marine Le Pen a certes marqué quelques points à l’occasion de cette campagne : il a démontré sa capacité à mettre en place au niveau du pays tout entier une organisation à même de présenter des candidats pratiquement partout, dans toutes les régions, dans tous les cantons ou presque. Il a réussi à relancer la machine militante, une machine plutôt efficace sur le terrain, avec beaucoup de gens de qualité. Cette campagne a d’ailleurs fait émerger des talents nouveaux comme Aleksandar Nikolic en Centre-Val de Loire ou Edwige Diaz en Nouvelle-Aquitaine.

Bertrand préfère les communistes aux identitaires

Mais ne nous voilons pas la face : au-delà de la démoralisation et de la démobilisation bien légitimes, les effets négatifs de cette défaite électorale font émerger plusieurs problèmes : la stratégie de la dédiabolisation a échoué, puisque le front républicain s’est reconstitué partout où le RN risquait de l’emporter. Et ce front républicain, pour moins spectaculaire qu’il ait été, est désormais enraciné dans la culture de la droite dite de gouvernement. Les propos extrémistes de Xavier Bertrand, comme ceux de Darmanin ou de Dupond-Moretti, ont montré la détermination du « camp du bien » à ne jamais « pactiser » avec le RN. Quand Bertrand explique qu’il préfère les « communistes » aux « identitaires », quand il refuse de parler du RN mais martèle le sigle FN, il y a la volonté d’ancrer toujours plus le principe d’une exclusion à jamais du RN du jeu politique.

La défaite va faire naître d’autres difficultés pour le parti de Marine Le Pen : des tensions sur son flanc droit, susceptibles d’encourager les ambitions d’Eric Zemmour, par exemple. Un nombre plus réduit qu’en 2015 d’élus, ce qui va compliquer la chasse aux 500 signatures, un peu comme en 2012. Mais surtout c’est la dynamique de la campagne présidentielle qui est affectée, à dix mois exactement de l’échéance.

Les délais sont courts pour renverser la tendance, et plus courts encore pour démontrer aux Français que le RN est capable de constituer, au printemps prochain, une majorité nouvelle, dans un système d’alliances politiques portant un projet de société global. C’est un pari difficile, peut-être pas impossible, mais qui va nécessiter de l’élasticité et un grand sens du dialogue avec toutes les parties prenantes de la droite nationale, au-delà des fâcheries d’hier. Jordan Bardella disait que la politique est une école d’humilité. C’est plus que jamais le moment de mettre en pratique cette vertu d’humilité.

Francis Bergeron

Article paru dans Présent daté du 28 juin 2021

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