… Et ils seront bien les seuls ! Habitué aux décisions unilatérales et absconses (pour rester courtois), le gouvernement a opté pour l’ouverture des stations de ski mais pour la fermeture des remontées mécaniques. Autant vous dire qu’ils seront peu nombreux à travailler les ischio-jambiers en chaussures de ski sur des milliers de mètres de dénivelés positifs. On serait bien tenté de leur proposer de troquer ski et snowboard contre une paire de raquettes ou de skis de fond pour crapahuter sur les plateaux du Vercors mais les refuges de haute montagne sont fermés.
Inutile de préciser que les professionnels des sports d’hiver sont furieux mais surtout apeurés. Déjà mis à mal par la rareté des chutes de neige, les stations de ski font grise mine et la révolte gronde. Le maire de la commune de Chatel a d’ailleurs recouvert sa mairie de drapeaux suisses. Allusion à la politique helvétique pour qui il est hors de question de renoncer à cette manne économique. Une situation qui s’explique aussi par le fait que l’enclave helvète est située hors de l’Union européenne et son armée de technocrates zélés. L’Autriche et la France ont donc plié devant les exigences allemandes et la peur du COVID.
Une décision qui risque de pousser les Français à partir skier en Suisse ? C’était compter sans notre Monsieur déconfinement national qui habite pour un temps à Matignon. Le Premier ministre Jean Castex a enfilé son costume de garde-frontière en avertissant les Français : tout individu surpris en train de revenir du ski à l’étranger sera mis huit jours à l’isolement. On croit rêver. Nous qui pensions avoir atteint les sommets en termes d’infantilisation et de coercition, notre cher gouvernement a adopté le même code couleur que les pistes de ski. On commence tranquillement sur la piste verte et on finit en hors piste après la noire. Las. Nos moniteurs nationaux ne manquent pas d’inventivité. Une députée a proposé, en désespoir de cause, de décaler les vacances d’hiver et de printemps pour permettre à la population d’aller skier. Déjà, on remercie cette élue d’imaginer qu’on peut décaler la totalité des vacances de nos concitoyens pour une poignée de frontaliers et de privilégiés qui ont les moyens d’aller skier (prix moyen pour une semaine de ski pour quatre personnes ? Entre trois et cinq mille euros).
L’enjeu n’est donc pas tant de protéger le droit des Français à aller skier. L’enjeu est davantage de sauver tout un secteur de notre économie mais aussi notre liberté face à un pouvoir qui ne sait plus quoi inventer en matière de loi liberticide. Qu’un conseil scientifique et technocratique aussi à l’aise dans la réalité qu’un dromadaire sur une luge puisse décider unilatéralement à la place des citoyens est très inquiétant, qu’elle se traduise par un pataquès digne d’un mauvais remake des « Bronzés font du ski » rajoute une touche d’humour macabre à ce drame qui se transforme lentement mais sûrement en tragicomédie. A quand un haut-commissariat aux chaussures de ski ? s’interroge avec ironie l’éditorialiste du Point Sophie Coignard. On en rirait presque si la blague ne durait pas depuis aussi longtemps. •
Etienne Defay
Article paru dans Présent daté du 2 décembre 2020