Alors qu’un documentaire publié ce mardi sur France 5 prétend éclairer les débats sur le projet de loi bioéthique en donnant la parole à sept enfants (dont 5 mineurs), le docteur Christian Flavigny, pédopsychiatre et psychanalyste, dénonce la supercherie qui consiste à utiliser les enfants pour justifier une loi contraire à leur intérêt.
Mardi 2 juin, la série « Le monde en face » sur France 5 prétend éclairer les débats sur le projet de loi de bioéthique en faisant s’exprimer sept enfants issus de PMA (pour les femmes) ou de GPA, filmés en train de répondre à des questions posées sur leur famille. Cinq d’entre eux sont de jeunes mineurs âgés de 8 à 13 ans. Seuls deux sont majeurs (18 et 20 ans).
Ce documentaire entend montrer que ces enfants sont heureux et que, s’ils ressentent un mal-être, c’est uniquement en raison du « regard pesant » des tiers sur leur histoire et de l’homophobie d’une partie de la société.
Mise en scène des enfants
Cette exhibition des enfants pour les faire parler de leur propre situation familiale est très impudique. Certaines choses parmi les sujets abordés devraient seulement s’évoquer dans un cadre très confidentiel, sous peine de tourner à une sorte de télé-réalité déplaisante conduisant à une véritable exploitation de la parole des enfants. Que signifie qu’ils sont « filmés à hauteur d’enfant » ? Ils sont surtout saisis dans un piège ; car pour ne pas sembler trahir leurs parents, ils ne peuvent que répondre loyalement ce qui conforte ceux-ci : qu’ils sont heureux. Ce genre d’émission ne peut que demeurer en façade ; on prétend respecter les enfants en leur « accordant » d’écouter leur parole, ce qui est bienvenu, sauf qu’ils ne peuvent répondre en vérité aux questions intimes que leur pose les situations évoquées de leur venue au monde.
Quelle capacité pour l’enfant d’analyser sa propre situation ?
Un enfant ne peut pas être « interviewé » sur les conditions de sa venue au monde ; c’est une aberration psychologique ravalant au concret ce qui est une interrogation existentielle. S’il y a une question que se posent intimement ces enfants, c’est : « pourquoi ce parcours plutôt qu’un enfantement avec un papa et une maman ? » La question pour eux très délicate est au fond : pourquoi je n’ai pas mérité d’avoir un papa et une maman ? Comment voudrait-on que ce type d’interrogation soit abordé en public ? L’émission traite en fait la question des adultes, qui rabattent la réflexion sur le « comment », alors que la question de l’enfant relève du « pourquoi ? » : pourquoi ce détour dans leur désir, qui me prive d’avoir mon père et ma mère ? Les adultes veulent contourner cette question ; et la griserie de l’inhabituel cherche à masquer l’évitement de l’enfantement.
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