Le baccalauréat ? En veux-tu, en voilà ! Il est un peu aujourd’hui à l’image de la nationalité française, bradé, un bout de papier qui ne signifie plus grand-chose, et pour lequel il ne faut pas déployer de grands efforts, une sorte de passe Navigo de la citoyenneté.
Mais le baccalauréat est gage de la réussite du modèle d’une certaine société française, de l’excellence de son incomparable Education nationale, de son art d’intégrer les populations allogènes assoiffées de sa culture. Alors, on le donne ; alors, chaque année, comme le niveau général des étudiants baisse, on baisse la barre. Ainsi, deux courbes grimpent vers les sommets tout en se contredisant : celle de l’illettrisme, qui atteint près de 10% – « Les acquis en lecture sont très fragiles pour 9,6% des jeunes Français de 17 ans qui, faute de vocabulaire, n’accèdent pas à la compréhension des textes », tandis que 4,1% d’entre eux sont en situation d’illettrisme selon les critères de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI) – , et celle de ce diplôme national sanctionnant la fin des études secondaires, qui représentait encore quelque chose il y a un cinquantaine d’années, et qui avoisine aujourd’hui un taux de réussite de près de 90%. Mais, mai 68 est passé par là, et le baccalauréat a pris depuis le statut d’un droit. Droit à la participation à des études supérieures, droit à partager le mirage de l’égalité des chances pour tous.
Et puis, comme si tout cela ne suffisait pas à juger de l’état de santé de ce grand malade, le baccalauréat est devenu le lieu d’une foire d’empoigne où sévissent irrégularités, « fuites », tricheries, prises d’otages par rétention de copies, de notes ou de sujets interposés, par des groupes de professeurs défendant leurs intérêts corporatistes.
Qu’il est loin le baccalauréat de Napoléon de 1808 qui visait à l’excellence, qu’il est encore plus loin celui du XIIIe siècle, qui naquit avec l’apparition de l’université de Paris. De nos jours, les candidats ne sont plus jugés sur leurs connaissances, sur leur façon de raisonner, mais sur leur conformité à un modèle politiquement correct ; il n’est que de voir parmi les sujets distribués ces dernières années : « La morale est-elle la meilleure des politiques ? » ; « Le travail divise-t-il les hommes ? » ; « Défendre ses droits, est-ce défendre ses intérêts ? » ; « Peut-on se libérer de sa culture ? » ; ou encore, des textes à commenter de grands penseurs comme Sigmund Freud, ou du philosophe militant homosexuel Michel Foucault.
Dernier exemple en date, le sujet philosophie du bac S 2019 : « La pluralité des cultures fait-elle obstacle à l’unité du genre humain ? » ; sujet immédiatement reformulé par le corrigé publié en ligne par l’Obs : « A l’heure où les nationalismes grondent et les hommes s’enferment dans leurs bulles, devons-nous abandonner le multiculturalisme qui caractérisait le monde moderne ? Devons-nous régresser sur ce point ou devons-nous rechercher une culture universelle qui transcenderait les particularismes ? » Et dire qu’il y en a encore pour se poser des questions…
Xavier Darc
Article paru dans Présent daté du 3 juillet 2019