Depuis des décennies, les universités américaines et certaines entreprises ont, en toute légalité, recruté un nombre impressionnant de chercheurs ressortissants de la Chine communiste. Elles les ont accueillis malgré les mises en garde répétées des autorités de Washington, inquiètes de la montée en puissance de l’espionnage de Pékin. De tous les diplômes décernés chaque année par ces universités à des scientifiques et ingénieurs, 25 % des récipiendaires ont un passeport à l’effigie de Mao. La Chine est de très loin le pays étranger le plus massivement représenté parmi les diplômés américains. Chaque année, plus de 50 000 citoyens chinois dont les hautes études ont été couronnées par Stanford, Princeton ou Harvard intègrent le marché du travail aux Etats-Unis, soit avec un permis temporaire, soit avec une carte de résident permanent – la célèbre carte verte. De leur côté, les universités ouvrent chaque année leurs portes à environ 10 000 chercheurs chinois expérimentés pour leur confier la réalisation de projets du gouvernement fédéral. A cela s’ajoute une moyenne de 10 000 autres Chinois sponsorisés par des entreprises américaines afin de leur permettre d’obtenir la carte verte.
En tout, ils sont 150 000 Chinois experts en technologie parfaitement assimilés aux mœurs, à la mentalité, au travail de leur pays hôte. Combien parmi eux sont-ils des espions choisis, entraînés, téléguidés par Pékin afin que la Chine populaire devienne dans quinze ans la grande puissance économique et militaire dont rêve le président Xi ? Impossible réponse. On sait qu’ils existent. On sent qu’ils agissent. On constate qu’ils marquent des points. Et on imagine qu’ils sont partout. Menace diffuse, omniprésente. Elle tourne ici à l’obsession. En mars dernier, Christopher Wray, directeur du FBI, la police fédérale, sonnait le tocsin. « L’Amérique, affirma-t-il, est le pays au monde le plus espionné par la Chine communiste. D’une façon constante, systématique et agressive. Le gouvernement de Pékin travaille étroitement avec les entreprises chinoises établies aux Etats-Unis afin d’y dérober le moindre secret capable de fournir à leur pays un avantage sur tous les autres. Cet effort méthodique couvre tous les domaines, de la culture du maïs dans l’Iowa aux turbines aériennes du Massachusetts, en passant par la technologie des engins guidés de Californie. »
La récente histoire de Ji Chaoqun, 27 ans, illustre bien les propos du chef du FBI. Ji a été arrêté le 25 septembre dernier. Il avait atteint le grade de commandant dans la hiérarchie de l’espionnage chinois. En 2013, il arrive aux Etats-Unis avec un visa d’étudiant et s’inscrit à l’Illinois Institute of Technology de Chicago. En 2016, il intègre un programme de l’armée spécialisé dans la recherche d’étrangers dont les capacités intellectuelles sont considérées comme vitales pour la défense des Etats-Unis. Durant deux années, Ji a effectivement obéi aux ordres de ses supérieurs. Il a recruté des jeunes venus d’ailleurs et de haut niveau. Mais ce n’était pas pour les Etats-Unis. C’était pour son propre pays, la Chine. Ji était pourvoyeur d’espions. Pourquoi ce défi est-il si dramatique ? Pour deux raisons. D’une part, l’espionnage chinois a des effets corrosifs sur la recherche, l’emploi, l’industrie, et finalement les consommateurs. D’autre part, il livre pieds et poings liés les patrons d’entreprises et les présidents d’universités à un phénomène qui les ronge et devant lequel ils demeurent impuissants.
Donald Trump a été le premier d’une longue lignée de présidents à réagir contre ce parasitisme venu de Chine. Deux consignes viennent d’être données aux ambassades et aux consulats des Etats-Unis établis dans tous les pays du monde. Les citoyens chinois voulant étudier, dans une université américaine, la haute technologie, la robotique ou l’aviation ne pourront désormais obtenir qu’un visa d’un an dont le renouvellement s’avère d’ores et déjà très hypothétique. Et ceux parmi les citoyens chinois qui envisagent de devenir aux Etats-Unis chercheurs ou gestionnaires d’entreprises appartenant à des domaines ultrasensibles devront passer au crible d’un contre-espionnage particulièrement méfiant. Mesures minimales de salubrité publique prises par un président conscient de ses responsabilités ? Pensez-vous… De multiples critiques ont jailli du Congrès accusant Trump d’être un anti-américain, un xénophobe et un raciste. « S’attaquer ainsi à une communauté précise pour un soi-disant espionnage, s’indigne Judy Chu, membre démocrate de la Chambre des représentants, c’est s’attaquer à nos valeurs fondamentales de liberté, de dignité et d’égalité. » De son côté, Dick Durbin, sénateur démocrate, est tombé dans le grotesque en choisissant l’exception qui ne prouve rien : « On parle d’espionnage chinois, lança-t-il, mais on parle moins de Daniel Tsui, immigrant chinois, diplômé de l’université de Chicago et prix Nobel de physique en 1998. »
Christian Daisug
Article repris du quotidien Présent