Ce sera un grand progrès de la conscience universelle, si le Parlement réuni en congrès y consent : la fin d’un racisme inlassablement traqué. En effet, la commission des lois de l’Assemblée nationale, à l’unanimité, a décidé de purger 1a Constitution du mot « race » figurant dans son article 1er : « La France […] assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de race. »
S’il n’y a plus de race, il n’y aura donc plus de racisme et de poursuites de ce chef. Ce serait logique ! Eh bien non ! Le rapporteur du texte, Yaël Braun-Pivet (LREM), a assuré que la suppression « n’affaiblirait pas l’arsenal juridique » dans la lutte contre le racisme. Bien que les races n’existent pas, on pourra donc continuer à être poursuivi pour racisme. Simplement, le mot « race » dans la Constitution serait remplacé par « origine », ce qui recouvre un champ plus vaste et offre donc l’occasion de saisir la justice plus souvent.
Si le nouveau texte était déjà adopté, ce serait, à n’en pas douter, le président Macron qui en eût été la première victime ; n’a-t-il pas dit au pape : « Les Bretons, c’est la mafia française » ? Et ce n’était pas sous le sceau de la confession. Le chef de l’Etat imputait donc à tous les individus d’origine bretonne une caractéristique négative et diffamatoire en les assimilant à une organisation criminelle. Il aurait dit « des » Bretons, au lieu de « les Bretons », il ne tombait pas sous le coup de la loi… future. Néanmoins, il a affirmé qu’il souhaite « voir aboutir » la suppression du mot « race », espérant réussir là où son prédécesseur avait échoué, Hollande aussi ayant souhaité ce retrait. S’il veut en expurger la Constitution, il ne l’a pas banni de son vocabulaire ! Lors de la campagne présidentielle ne déclarait-il pas, en avril 2017 : « François Fillon a été ministre d’à peu près tout, finalement, il veut faire autre chose, je ne suis pas de cette race-là, je dis non » ?
Sacha Houlié, rédacteur LREM de l’amendement, se félicite : « Nous avons obtenu un large consensus pour toiletter l’article 1er qui correspondait à une Constitution du XXe siècle. » Car les races qui existaient au siècle dernier ont disparu dans notre merveilleux XXIe siècle ! Au XXe siècle, on enseignait aux collégiens qu’il existait des races humaines, au nombre de cinq, ayant chacune des caractéristiques spécifiques, et nul ne voyait dans ces affirmations quelque racisme que ce soit. C’est aussi l’époque où on savait la différence entre distinction et discrimination, alors qu’au XXIe siècle on confond les deux.
Si en 1946, la République restaurée a voulu introduire la notion de race, c’est pour dénoncer le racisme, le nazisme plus précisément. Le préambule de la loi fondamentale l’affirme expressément : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race… » Le XXe siècle, c’était aussi cela, M. Houlié…
Guy Rouvrais
Article paru dans Présent daté du 29 juin 2018