Une loi sur les « fake news » dont personne ne veut, par Francis Bergeron

8 juin 2018 | France, Politique, Société

Personne n’aime se faire piéger par de fausses nouvelles. Personne n’apprécie ces mensonges, jetés en pâture à l’opinion publique, qui font les gros titres d’un jour, avant d’être démentis en trois lignes microscopiques le lendemain. On se souvient du poignard SS de Jean-Marie Le Pen, oublié dans une chasse d’eau de Bab el Oued il y a un demi-siècle, de Dominique Baudis qui assassinait des prostituées, ou de Saddam Hussein qui possédait des armes secrètes pointées sur Israël.

Interdire les fake news est un vieux rêve. Les « marcheurs » se sont jetés sur l’idée d’une loi répressive, qui serait mise en œuvre en période électorale.

Si la loi passe, il s’agira de condamner « toute allégation ou imputation d’un fait, dépourvue d’éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable ». Mais qui va apprécier le caractère vraisemblable ou non de l’information présumée fausse ou manipulée ? Et qui va-t-on condamner ?

On l’a vu avec les lois mémorielles : il y avait, au départ, l’idée que l’apologie de crime est insupportable, mais à l’arrivée nous trouvons des systèmes d’autocensure qui affectent jusqu’aux historiens eux-mêmes, et qui interdisent jusqu’à la contestation du sionisme, ce qui n’a évidemment aucun rapport.

Ce que craignent à juste titre le Front national comme les « Insoumis », les Républicains, ce que dénonce en une Le Monde, ce que rejette le quotidien des milieux d’affaires Les Echos, c’est que ce texte sera très difficile à appliquer équitablement. En outre un tel texte constitue tout simplement une atteinte aux libertés, une atteinte supplémentaire, serait-on tenté d’écrire.

Il existe des textes sur la diffamation, sur l’injure, sur la protection de la vie privée. Ces dispositifs seraient parfaitement suffisants s’ils étaient utilisés avec mesure et avec impartialité. Quant aux enjeux électoraux que représentent des fake news, diffusées quelques semaines ou quelques jours seulement avant le scrutin, on les comprend bien. Mais aucune enquête sérieuse ne peut se faire en quelques semaines.

L’élection de Trump, le Brexit, c’est grâce aux fausses nouvelles

On le voit, ce texte de loi se heurte, pour la première fois depuis le début du quinquennat, à un très large front du refus. Macron veut cette loi opérationnelle pour les élections européennes de mai 2019.

« La démocratie est vulnérable en période électorale », estiment en effet les conseillers de l’Elysée. Pour eux, l’élection de Trump, la majorité des voix britanniques pour le Brexit sont le résultat de fausses nouvelles habilement distillées dans l’opinion.

Lors de la présidentielle, Macron a souffert d’une rumeur relative à une prétendue liaison avec le jeune et sémillant président de Radio France, Mathieu Gallet. A cette occasion, il s’en était pris à des « organes d’influence et de propagande mensongère ». Cela ne l’a nullement empêché d’être élu, et à ce jour il est lui-même largement soutenu par des « organes d’influence ». En Italie la Ligue et le Mouvement 5 étoiles ont prévu un « code d’éthique », qui interdira aux personnes appartenant aux loges une place dans l’exécutif. Macron, lui, ne prévoit pas de s’intéresser, par le biais de cette future loi sur les manipulations d’informations, aux réseaux d’influence qui gravitent autour de Collomb, de Ferrand, de Nyssen, de Patriat, de Schiappa, etc.

Francis Bergeron

Article repris du quotidien Présent

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