Dans une France minée par le communautarisme, les prénoms donnés aux enfants par leurs parents, à l’instar des tenues vestimentaires et de tant d’autres choses, sont plus que jamais devenus un moyen d’affirmer son identité et même, pour certains, de montrer leur emprise croissante sur notre société. Or, si cette dérive communautariste est déjà préoccupante lorsque la même liberté est accordée à tous, l’affaire des prénoms bretons interdits est d’autant plus inquiétante qu’elle met en évidence l’existence, en France, d’un communautarisme à géométrie variable.
Des Bretons privés d’apostrophes
En août dernier, un couple rennais qui venait d’accueillir son premier enfant s’est rendu à la mairie pour y enregistrer sa naissance sous le prénom de Derc’hen. Prénom qui commémore Sant Derc’hen, un des quelque 1 500 saints bretons. Or, les parents se sont heurtés alors au refus de l’administration d’enregistrer leur fils sous ce nom, en raison de la présence d’une apostrophe non autorisée par une circulaire parue au JO du 23 juillet 2014. Comptant sur la possibilité d’un recours, le couple a alors opté pour l’orthographe Derchen et a décidé d’alerter Skoazell Vreizh, une association de soutien aux personnes en difficulté « pour des motifs politiques bretons ». Révoltée, celle-ci a adressé illico une lettre au ministre de la Justice, Madame Belloubet, pour lui demander de « modifier cette circulaire ». En vain.
Un cas qui est loin d’être isolé puisque, en mai dernier, un couple de Quimper s’était déjà heurté au refus de l’état-civil d’enregistrer son fils sous le nom de Fañch. Là encore, en prétextant que le « ñ » ne faisait pas partie de la liste des signes diacritiques autorisés par la fameuse circulaire. Cependant, sous la pression médiatique, la ville de Quimper a décidé d’autoriser le prénom, en s’appuyant sur la CEDH qui affirme que le choix de celui-ci « entre (…) dans la sphère de la vie privée ». Une décision dénoncée par le procureur, qui avait alors obtenu du tribunal qu’il tranche en sa faveur, en arguant du fait qu’admettre le tilde reviendrait à… « rompre la volonté de notre Etat de droit de maintenir l’unité du pays et l’égalité sans distinction d’origine ».
« L’exception étrangère »
Une explication particulièrement « savoureuse » à l’heure où, partout en France, les services d’état-civil enregistrent sans broncher les prénoms les plus exotiques qui soient. Ceux, bien sûr, repris des séries anglo-saxonnes par des parents abrutis de télévision. Mais aussi, et surtout, tous ceux que nous « devons » aux migrants. Ainsi, la fameuse circulaire parue au JO derrière laquelle s’abritent les autorités ne semble-t-elle pas s’appliquer aux prénoms africains et musulmans puisque, lorsque l’on consulte le fichier des prénoms 2016 sur le site www.data.gouv.fr, apparaissent en effet des M’Mah, M’Mahawa, M’Deye, Abd’Allah, Isma’il, N’néné, et autres Tu’iuvea. Enfin, on appréciera d’autant plus la déclaration du tribunal quand on sait que le prénom Mohamed arrive en tête de ceux donnés aux garçons en Seine-Saint-Denis, et parmi les trois premiers en région parisienne.
Franck Deletraz
Article paru dans Présent daté du 27 janvier 2018