Le 23 avril, le parti du mondialisme a acquis une sérieuse chance de diriger la France. Par son passé, son programme, ses soutiens, Emmanuel Macron est le champion de la Finance que François Hollande, voilà cinq ans au Bourget, avait désignée comme son « ennemie » et qu’il aura en réalité portée au pouvoir si, comme il y a lieu de le redouter, le candidat d’« En marche ! » l’emporte sur Marine Le Pen au deuxième tour.
Au moins l’enjeu est clair : selon qu’ils voteront pour l’un ou l’autre des candidats, les Français choisiront le mondialisme ou la France.
Emmanuel Macron avait beau feindre, le 23 avril, d’en appeler aux « patriotes », il reste un produit marketing créé par ce que l’on appelait autrefois la « fortune anonyme et vagabonde », les forces de l’Argent, qui, en mettant à son service leur puissance médiatique, ont donné à celui qui fut administrateur de Rothschild, secrétaire général adjoint de François Hollande à l’Élysée, ministre de l’économie du gouvernement socialiste, le moyen de se déguiser en homme du renouveau, de la page vierge et du rassemblement au-dessus des partis. Un comble ! Son avènement, s’il est élu, sera un sacre médiatique.
Il suffit de considérer ses soutiens (au-delà de la sphère financière) pour comprendre qui est le candidat d’« En Marche ! » : on y trouve Alain Minc à côté de Cohn-Bendit, Robert Hue près d’Alain Madelin, Bernard-Henri Lévy et Laurent Bigorgne, le directeur de l’Institut Montaigne. Sans oublier son pygmalion, Jacques Attali, qui était présent le 23 avril au dîner organisé à la Rotonde (le
« Fouquet’s » était sans doute trop chargé de souvenirs…).
Hors-système, Macron ? Il est au contraire, selon le mot de Laurent Wauquiez (qui semble ne plus s’en souvenir) « l’incarnation de l’élite mondialisée ».
Au-dessus des partis ? Il en ramasse au contraire les transfuges et les porte-gamelle, au point d’apparaître comme le canot de sauvetage luxueux de la Hollandie. Qu’est-il d’autre, en effet, que le clone de François Hollande, sans bedaine, ni teinture et la cravate à l’endroit ? Il n’en diffère sur aucun des grands sujets de politique, intérieure ou extérieure.
Avec lui, la France sera encore plus ligotée par l’Europe, vassalisée par l’Allemagne, inféodée à la politique américaine, elle avancera plus vite sur la voie du libéralisme libertaire, renoncera davantage à son identité, à ses racines chrétiennes, aux grands principes sur lesquels s’est bâtie sa civilisation (dont il ignore l’existence…), sera encore plus ouverte à l’immigration, plus exposée aux conséquences du libre-échangisme. C’est l’effarante leçon de démocratie que l’on peut tirer de ce premier tour : malgré toute l’impopularité de Hollande, les électeurs ont placé son héritier en tête !
À quelques nuances près, la distance n’est pas grande non plus entre Emmanuel Macron et François Fillon. Ils appartiennent au même système et cette proximité explique qu’il n’ait pas fallu attendre plus cinq minutes après la publication des premiers résultats, pour que le candidat de la conservation appelle à voter en faveur de son homologue progressiste.
En face, Marine Le Pen porte le drapeau de l’indépendance et des libertés françaises pour lesquelles, voilà cent ans, nos grands-parents ont versé leur sang et auxquelles, avant eux et avant nous, des générations de Français ont travaillé.
Ce qui est en jeu, désormais, c’est l’existence même de la France, cette « petite fille moqueuse et tendre, qui n’appartient à personne » dont parlait Bernanos, et que les amis d’Emmanuel, si nous les laissons faire, vendront demain, nue, sur le marché aux esclaves de la finance internationale.
Eric Letty
Editorial du n° 939 du Monde & Vie daté d’avril 2017