L’indigne boycottage d’un ministre syrien en Europe

12 avril 2017 | Actualités, Europe, France, Politique

Le dossier syrien frappe par sa complexité autant que par le simplisme binaire avec lequel le traitent depuis maintenant six ans beaucoup de médias et trop de politiques. A commencer par le gouvernement français qui aura brillé par son instabilité et l’absence totale de lisibilité de ses « décisions » diplomatiques.

En 2013, Obama prévoit des frappes contre la Syrie, Hollande suit dans l’annonce. Obama se rétracte finalement, Hollande aussi. Les années suivantes, le monde entier tente de faire évoluer sa copie en tenant compte de l’évolution du conflit, Laurent Fabius reste campé sur ses positions. Très récemment, Donald Trump affirmait que le départ de Bachar el-Assad n’était plus une priorité et Jean-Marc Ayrault reprenait la déclaration à son compte.

Quelques jours plus tard, une attaque chimique à l’origine encore non-identifiée provoquait un changement radical dans le discours et les actes du président américain et Jean-Marc Ayrault de suivre le mouvement… Mais attaque chimique ou non, le gouvernement syrien reste en place et Jean-Marc Ayrault était le premier à reconnaître la semaine dernière qu’il fallait désormais accepter de le prendre comme interlocuteur. Sage décision qui rappelait enfin que la diplomatie sert en premier lieu à discuter avec ses adversaires ou ses ennemis pour tenter d’éviter la guerre. Mais au moment même où les paroles auraient pu devenir des actes, Jean-Marc Ayrault choisit finalement l’« indignation » en lieu et place de la discussion.

En effet, le docteur Ayman Soussan, vice-ministre des Affaires étrangères du gouvernement syrien est actuellement à Paris après être passé par Bruxelles.

Dans les deux villes, même punition : les colloques organisés au Parlement européen et à l’Assemblée nationale française ont été interdits. Ils se sont tenus dans d’autres lieux, et notamment au centre culturel russe, à Paris.

Le ministre syrien était invité à parler par les députés Nicolas Dhuicq et Thierry Mariani, défenseurs déterminés d’un dialogue avec le gouvernement syrien. Ce qui a provoqué une réaction sur Twitter du ministre français des Affaires étrangères : il s’est dit « indigné » que des députés français le reçoivent et le fassent parler.

L’indignation est une « position confortable », lui a répondu Thierry Mariani tandis que Nicolas Dhuicq s’est dit ravi d’apprendre que la France « comptait encore un ministre des Affaires étrangères ».

Une chose est sûre, le dialogue avec le gouvernement syrien – acteur critiquable mais incontournable – n’est pas pour demain. Difficilement compréhensible de la part d’un gouvernement français qui accueillait encore récemment, et en grande pompe des casques blancs plus islamistes qu’humanitaires, et un « maire d’Alep-est » qui avait la particularité peu banale de n’être ni maire, ni d’Alep.

Pendant ce temps-là, la Syrie continue à souffrir et les islamistes qui la gangrènent menacent le monde entier… Notons que l’indignation de Jean-Marc Ayrault n’y changera rien.

Marie Pommeret

Article et dessin de Chard parus dans Présent daté du 13 avril 2017

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