Les morts de la tragédie syrienne, par Guy Rouvrais

7 avril 2017 | Actualité internationale, Politique

Comment ne pas être bouleversés par ces cadavres d’enfants notamment, le visage torturé, victimes d’armes chimiques en Syrie ? 87 civils tués, dont 37 enfants, plus de 500 blessés à Khan Cheikhoun. Pour ceux-là il y a des images mais, hélas, il y en eut tant d’autres qui n’ont pas de visages et sont donc passés inaperçus dans le flot de l’actualité.

Le conflit syrien, en quatre ans, a fait au bas mot 250 000 morts, parmi lesquels un tiers de civils dont 20 000 enfants. Aucun des camps qui s’affrontent ne porte seul la responsabilité de tout ce sang et ces larmes, tous coupables. L’armée d’Assad, certes, les islamistes, bien sûr, mais aussi les opposants au gouvernement qui ont le soutien des Occidentaux, sans oublier la coalition dont l’aviation se trompe régulièrement de cibles et frappe des innocents. C’est malheureusement le lot de toutes les guerres de s’accompagner de massacres auxquels les civils paient un lourd tribut.

Mais il est des morts qui suscitent moins d’indignation dans les médias que d’autres : en 2015 plus de 7 000 chrétiens ont été tués dans le monde à cause de leur foi. Cela dit, chaque innocent mis à mort est une tragédie, la mort des uns ne justifie pas la mort des autres.

Qui est responsable ? N’étant ni procureur, ni avocat, nous nous garderons d’autant plus de nous prononcer que nul ne peut prouver, de façon indubitable, que cette action criminelle a été ordonnée par Assad lui-même. Damas dément en être l’auteur. Pourtant, pas de présomption d’innocence, mais une présomption de culpabilité du régime d’Assad.

Or, il se trouve que la Conférence internationale sur la reconstruction de la Syrie, coprésidée par l’Union européenne et l’ONU, se réunissait ces jours derniers. Dans son communiqué final, elle condamne le bombardement de Khan Cheikhoun et tout emploi des armes chimiques mais n’accuse personne. Un silence significatif, trahissant plus d’embarras que la certitude affichée par les chancelleries occidentales. Car les armes chimiques, les djihadistes en possèdent aussi, ils ont utilisé le gaz moutarde, en 2015, contre un village.

Le chef d’Etat syrien est tout, sauf stupide. On comprend mal qu’au lendemain où les USA, suivis par leurs alliés, n’exigeaient plus son départ comme préalable à un règlement du conflit, il ait eu la mauvaise et criminelle idée de se mettre Trump à dos en perpétrant une telle action ! D’autant que, sur le terrain, ses troupes progressent au détriment de ses opposants. On parle d’une initiative sauvage d’éléments « radicaux », hostiles à toute négociation…

On notera que si le président des Etats-Unis, dans la nuit de jeudi à vendredi, a lancé des missiles contre des objectifs militaires en Syrie, il s’est contenté de frapper la base d’où les armes chimiques sont parties : c’est un avertissement ponctuel plus qu’un tournant décisif qui verrait les troupes américaines agir sur le sol syrien pour abattre Assad. C’est ce dont Obama avait menacé ce dernier au cas où il franchirait la « ligne rouge » de l’usage d’armes chimiques. Ce que fit, assure-t-on, le président syrien en 2013 et Obama resta l’arme au pied préférant une « solution diplomatique » prévoyant un démantèlement de l’arsenal chimique syrien qui n’eut jamais lieu, sans qu’Obama réagisse. S’il avait été fidèle à sa parole et ses exigences, nous n’en serions pas là aujourd’hui.

Guy Rouvrais

Article et dessin de Chard parus dans Présent daté du 8 avril 2017

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