Italie : la corruption à nouveau en question après l’avalanche des Abruzzes

26 janvier 2017 | Actualités, Économie, Environnement, Europe, Politique, Société

On connaît désormais le bilan définitif de la gigantesque avalanche qui a englouti un hôtel dans les Abruzzes le mercredi 18 janvier : 29 morts et 11 rescapés. Après le temps des secours d’urgence, voici, comme d’habitude en Italie, venu le temps des questions gênantes.

En premier lieu, les médias italiens pointent du doigt les cafouillages de communication entre la préfecture régionale et la mairie de Farindola, dans la transmission la veille de la catastrophe de l’information sur les risques d’avalanche. Cafouillage aussi il y a eu au niveau du déneigement de la route qui menait à l’hôtel où 40 touristes coincés par la neige attendaient de pouvoir être évacués. Quand un tremblement de terre a déclenché l’avalanche, les touristes avaient déjà fait leurs bagages et si les autorités locales avaient fait correctement leur travail, c’est un hôtel vide qui aurait été englouti. Or, quand une turbine de déneigement qui travaillait à 20 km de là a enfin été envoyée pour dégager la neige recouvrant la route menant à l’hôtel, cela faisait déjà trois heures que celui-ci n’était plus qu’un amas de décombres ensevelis sous 120 000 tonnes de neige, de roches et de débris.

Cafouillage encore, en ce qui concerne la réaction des autorités après la catastrophe, car, quand ils ont reçu les premiers appels au secours, les fonctionnaires de la préfecture ont cru à un canular. Du coup, les premiers secouristes sont arrivés à ski seulement douze heures après l’avalanche, et il a fallu encore douze heures pour faire parvenir les renforts avec le matériel nécessaire.

Pire encore, une association écologiste dénonce aujourd’hui le fait que cet hôtel avait été construit sur un sol constitué de débris apportés par d’anciennes avalanches et sort, à l’appui de ses affirmations, une carte géomorphologique de la région datant de 1991. On s’aperçoit aussi aujourd’hui qu’une carte dressée en 2009 par un géologue des Abruzzes et publiée par le Club alpin italien signalait l’emplacement de l’hôtel Rigopiano, aujourd’hui au centre de la tragédie, comme lieu à risque.

Les médias italiens se sont encore aperçu que la construction de cet hôtel avait donné lieu à un procès pour des accusations de corruption à l’encontre d’édiles locaux du Parti démocratique (PD) qui gouverne aujourd’hui le pays. Les accusations concernaient la légalisation en 2008 des travaux d’agrandissement pour en faire un hôtel quatre étoiles. Le procès démarré en 2013 a finalement débouché en novembre dernier sur l’acquittement des sept accusés, les faits étant prescrits depuis avril 2016.

Voilà qui pourrait dresser davantage les Italiens contre leurs élites politiques, alors qu’ils avaient déjà été passablement échaudés par les tragiques tremblements de terre survenus l’année dernière, qui avaient fait près de 300 morts et 400 blessés en août. Pendant la messe de funérailles à Amatrice, en présence du président Sergio Mattarella et du premier ministre Matteo Renzi, l’évêque avait lancé : « Le tremblement de terre ne tue pas, ce sont les actions des hommes qui tuent. » Car on s’était aperçu que tout l’argent public investi dans le renforcement antisismique des bâtiments et maisons de la région ne les avait pas empêchés de s’écrouler, d’où le nombre élevé de victimes. Ces ouvrages antisismiques n’avaient en effet d’antisismique que le prix, la marge supplémentaire ayant profité à la mafia et aux fonctionnaires corrompus.

Olivier Bault

Article paru dans Présent daté du 27 janvier 2017

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