Anastasia Colosimo appelle à ne pas avoir peur du blasphème

9 avril 2016 | Culture, France, Politique, Société

« Aux âmes bien nés, la valeur n’attend pas le nombre des années. » Telle est la remarque que je me suis faite en remarquant qu’Anastasia Colosimo a 26 ans. Elle vient de s’attaquer de manière à la fois très tranchée et très large à l’une des questions les plus difficiles qui se posent à nos sociétés : que fait-on avec le sacré et en particulier avec le sacré des autres ?

La position d’Anastasia Colosimo est simple et peut-être est-elle la seule tenable en théorie, la seule rigoureuse : chacun est libre d’attaquer la religion, en fourbissant de bons arguments. Les personnes peuvent et doivent se défendre juridiquement contre toutes formes d’injure, mais les religions se défendent elles avec leurs propres armes – non pas les armes du droit, mais en répondant aux mises en cause dont elles sont l’objet.

Jusque dans la Bible, Anastasia Colosimo remarque que, trop souvent, les accusations de blasphème permettent de défendre non seulement la divinité outragée mais le croyant chatouillé dans ses convictions. Signe que la dimension purement religieuse n’est jamais réalisée : cette défense apparaît chaque fois comme immédiatement collective. Elle s’exerce au détriment de la société réelle et au profit de communautés fantasmées.

Ainsi Anastasia Colosimo juge-t-elle sévèrement les catholiques traditionalistes de l’Agrif ou de Civitas et elle blâme la concurrence mémorielle qui ne manque pas de surgir de procès foncièrement hostiles à la liberté d’expression. Tous les procès y passent et toutes les législations européennes sont examinées de près, y compris celle de la Cour européenne des droits de l’homme. Pour notre auteur, pas de doute : il suffirait, pour lever toute ambiguïté, d’en revenir au premier amendement de la Constitution américaine et d’affirmer clairement et inconditionnellement la liberté d’expression. Voilà la seule porte de sortie qui soit digne de l’esprit humain.

Et de déplorer le mouvement à travers lequel, après la proclamation de la Déclaration des droits de la personne, en 1948, certains envisageaient (à l’époque) une sorte de Parlement mondial des religions : « Il s’agissait de rendre partout obligatoire, face à l’esprit d’ignorance, l’enseignement de tous les corpus religieux existants, sous l’égide des autorités compétentes, mais aussi de rendre parfaitement solidaires face à l’esprit de profanation tous les credos et textes religieux fondateurs, réunis sous l’intitulé d’Ecritures, ou encore de rendre parfaitement impossible face à “l’esprit d’hostilité“, tout dénigrement de toutes religions dans les médias et les lieux d’enseignement ». Tel était l’esprit législatif des années 1950.

Dans un tel schéma protectionniste, on peut se demander où est la recherche de la vérité. Les communautés se referment chacune en elle-même mais cela n’a plus d’importance, elles sont protégées par l’Etat… De telles pratiques sont non seulement liberticides mais destructrices de la société.

L’auteur met en cause, avec une honnête intransigeance, la loi Pleven et la loi Gayssot, et elle prêche en faveur d’une liberté véritable au-delà de tous les blasphèmes, blasphèmes que l’on ne peut pas soumettre à la justice humaine. Mais elle souligne que d’une certaine façon il est trop tard pour la liberté : « Qui sera celui qui portera au Parlement le projet de loi visant à abolir la loi sur la provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence en raison de l’appartenance raciale ethnique ou religieuse ? » Et de l’autre côté de la barrière, « quelle serait la réception qu’en ferait le peuple et y verrait-il non pas un permis de donner libre cours aux discours les plus haineux, mais un pari pour retisser des liens oubliés entre des citoyens bien réels et non plus des communautés imaginaires ? Ces lois-là personne ne pourra les défaire. Le piège s’est déjà refermé ».

Une véritable réflexion, sans tabou, qui souligne que le progrès est toujours du côté de la liberté, ne serait-ce que parce qu’elle permet d’échanger les manières de voir loin de la terreur du blasphème. A lire d’urgence pour ne pas se laisser immobiliser par les faux problèmes.

Novopress est sur Telegram !

Newsletter

* champ obligatoire
« Novo » signifie, en latin, « renouveler » ou encore « refaire ». Novopress se donne comme objectif de refaire l’information face à l’« idéologie unique ». Mais ce travail de réinformation ne peut pas se faire seul. La complémentarité entre les différentes plateformes existantes doit permettre de développer un véritable écosystème réinformationnel.