14/09/2015 – MONDE (traduction NOVOpress d’un article du Washington Post)
Le message du pape François dimanche dernier ne pouvait être plus clair : avec des centaines de milliers de réfugiés qui débarquent quotidiennement en Europe les catholiques du continent avaient un devoir moral d’aide en ouvrant leurs églises, monastères et maisons comme des sanctuaires.
Mais lundi le chef spirituel de l’église en Hongrie avait discours tout aussi clair : Sa Sainteté se trompe.
Ce ne sont pas des réfugiés. Il s’agit d’une invasion […] Ils viennent ici aux cris d’« Allah Akbar ». Ils veulent nous occuper.
a déclaré l’évêque Laszlo Kiss-Rigo, dont la souveraineté s’étend sur les confins méridionaux de cette nation majoritairement catholique.
Les paroles plutôt sèches de l’évêque reflètent une lutte spirituelle plus large en Europe sur la manière de répondre à ces flux incessants et majoritairement musulmans sur un continent en grande partie chrétien. L’appel du pape pour la compassion et la charité est en concurrence avec une vision plus réaliste exprimée par le premier ministre hongrois Viktor Orban, qui considère ces migrations comme un défi direct aux racines chrétiennes de l’Europe.
Et en Hongrie du moins, c’est la conception du premier ministre qui semble l’emporter.
Alors même que les catholiques dans d’autres parties de l’Europe tiennent compte de l’appel du Pape, il y a ici à Budapest peu de preuves que les dirigeants de l’Église soient prêts à offrir une aide à ce qui a est l’une des pires crises humanitaires de ces dernières décennies en Europe.
Et malgré les attaques du monde entier contre Vicktor Orban pour sa volonté de limiter les mouvements de ces personnes parmi les plus vulnérables du globe, sa position semble redorer sa réputation ici en tant que nationaliste responsable qui va défendre le pays contre une intrusion de « dizaines de millions » de nouveaux arrivants.
« Je suis totalement d’accord avec le premier ministre, » a déclaré Kiss-Rigo dans une interview ce lundi. Le Pape, en revanche, « ne connaît pas la situation ».
Cette situation, comme la décrit Kiss-Rigo, est que l’Europe est inondée par des gens qui se présentent comme réfugiés, mais en réalité sont une grave menace pour les « valeurs chrétiennes universelles » de ce continent.
Même si la majorité des migrants qui ont franchi la frontière dans le sud de la Hongrie sont de Syrie, où la guerre a fait plus de 320 000 morts durant les quatre dernières années — l’évêque estime qu’ils n’ont pas besoin d’aide, car la plupart d’entre eux « ont de l’argent. » Ils laissent des ordures dans leur sillage, dit-il et refusent la nourriture qui leur est offerte.
« La plupart d’entre eux se comportent de manière arrogante et cynique, » dit Kiss-Rigo, qui a été évêque pendant neuf ans sur un territoire qui abrite quelque 800 000 catholiques.
Les bénévoles aux frontières et à la gare Centrale de Budapest, où les attendent des centaines de réfugiés — donnent un autre point de vue. Ils décrivent des gens désespérés qui doivent recevoir assistance et reconnaissance. « Quand je suis arrivée à la gare, c’était rempli d’enfants et de bébés, » a déclaré Mark Balazs, une hôtesse de 34 ans. « J’ai trois enfants moi-même. J’ai imaginé ce que je ferais s’il y avait une guerre ici. Je ferais exactement la même chose qu’eux. »
La semaine dernière elle a passé une nuit et un jour à la gare pour donner des vivres, des vêtements et des couches à une organisation de volontaires hongrois qui a pris le relais depuis plusieurs mois pour combler le vide laissé par le gouvernement et les groupes de charité plus établis. Les efforts du groupe ne sont pas passés inaperçus chez les migrants. « Vous avez un bon peuple, » a été écrit à la craie sur les murs du bâtiment.
Mais les bénévoles reçoivent peu de soutien des grandes organisations — et en particulier de celles d’inspirations chrétiennes. Balazs Odor — un responsable de l’Église réformée de Hongrie, la deuxième confession du pays — a reconnu que les groupes religieux ont été lents à apporter une réponse à cette crise.
« Nous n’avons pas été rapides ou audibles dans notre réaction à cette situation. Je dois avouer que je ne partage pas l’avis d’Orban sur la menace du christianisme en Europe, mais l’arrivée en Europe de centaines de milliers de musulmans crée incontestablement « de l’anxiété ». Et cela est politiquement utilisé à mauvais escient ».
La Hongrie n’est pas un pays particulièrement religieux après un demi-siècle de régime communiste qui a grandement contribué à freiner l’influence de l’église. Mais les tentatives d’Orban pour présenter le pays comme un rempart chrétien contre une attaque musulmane ont un impact profond dans la psyché nationale, dit Botond Feledy, un analyste politique.
La fête nationale hongroise commémore encore l’arrivée du christianisme dans le pays, qui remonte à plus d’un millénaire. Et les nationalistes citent souvent la défaite au 17e siècle des occupants ottomans comme preuve que la Hongrie est un protecteur européen contre les influences malveillantes de l’est. Orban a déjà joué la carte chrétienne dans le passé avec l’introduction d’un article dans la constitution qui évoque « le rôle du christianisme dans la vie de la nation » et la promotion de l’enseignement religieux dans les écoles.
Cette tactique a bien fonctionné et renforcé sa popularité. Mais pour Éva Varga, un médecin âgé de 63 ans fournissant une aide bénévole aux migrants, cette crise des réfugiés est le mauvais moment pour jouer la carte de la politique religieuse. « Pour moi, il n’y a aucun patient chrétien et aucun patient non chrétien, » a déclaré Varga, « Il y a seulement mes patients, et je suis obligé de prendre soin d’eux. »