03/06/2015 – SOCIÉTÉ (NOVOpress)
C’est une histoire comme il en arrive tous les jours. Un morceau du paysage physique et moral de la France est dévasté sans que personne s’en émeuve – sans que personne en parle. Cette fois-ci, la victime est le monument aux morts des Éparges (le monument du 106e RI), œuvre du grand sculpteur d’Action française, ancien combattant et mutilé de guerre, Maxime Real del Sarte. Maxime Real del Sarte vouait un culte spécial à Jeanne d’Arc, dont le sacrifice était à ses yeux celui même du Christ : dans son œuvre la plus fameuse, la Jeanne au bûcher de Rouen, elle est couronnée d’épines.
Le bas-relief des Éparges, qu’il modela pour ses frères d’armes de la seule main qui lui restait, représente Jeanne, telle une Vierge de Pietà, soutenant le corps d’un soldat ; à ses pieds, le casque du mort est entouré d’une couronne d’épines. Langage alors compréhensible au premier coup d’œil et qui est devenu inintelligible au grand nombre, même né catholique et français, a fortiori aux autres. C’est ce grand bronze qui a été arraché et chargé dans un camion, selon toute vraisemblance pour être vendu au poids du métal.
La profanation a fait l’objet d’un article mercredi 27 mai dans L’Est Républicain (« Un symbole de la Grande Guerre saccagé aux Éparges en Meuse »). France3 Lorraine lui a consacré une minute le lendemain, en interrogeant le maire des Éparges. Depuis, rien. Pas un écho dans les gros médias, pas une ligne dans Libération, Le Monde ou Le Figaro. Le seul homme politique d’envergure vaguement nationale qui ait réagi est Gérard Longuet, sénateur de l’endroit. Sans le site Fdesouche, qui a immédiatement relayé l’article de L’Est Républicain, personne n’en aurait entendu parler hors du département.
On peut, une fois de plus, s’indigner de cette indifférence, alors que la moindre croix gammée gribouillée à l’envers sur la palissade d’une mosquée en construction ou la porte de derrière d’une synagogue, déclenche un communiqué présidentiel, deux ou trois visites de ministres et des reportages télévisés en veux-tu ? en voilà. Mais ce deux poids, deux mesures fait système. L’inégalité de traitement ne s’applique pas seulement aux tombes françaises et aux sanctuaires chrétiens « dégradés », comme ils disent – le terme noble de profanation est réservé aux cultes autres.
Elle vise aussi les églises que les municipalités, à Paris et ailleurs, trouvent trop cher d’entretenir, alors que l’argent coule à flots pour le « spectacle vivant », de préférence métissé. Elle affecte toute l’histoire de la France, dont l’Éducation nationale donne aux enfants une image toujours plus pauvre et plus noire, tout en leur inculquant des versions mythiques et radieuses de la vie de Mahomet, de l’empire du Monomotapa ou de soi-disant « indigènes de la République ». Elle commande enfin l’indulgence inlassablement consentie aux criminels d’importation et les peines sans cesse alourdies pour la moindre protestation des autochtones. Tout cela rentre dans une série, tout cela est cohérent, tout cela a un sens.
Il faut, bien sûr, faire la part de l’inculture et de la bêtise des journaleux, de l’arrivisme à courte vue des politiciens, du conformisme de toute cette caste dominante, de sa misère intellectuelle et morale. Mais on ne peut s’en tenir là. Dans ce livre magnifique et d’une si terrible actualité qu’est La grande Pitié des églises de France, il y a cent ans, Barrès dénonçait le « grand fait général qui est voulu et préparé par plusieurs : la démolition de nos églises ». Il exposait des cas réels, prouvés, de municipalités anticléricales, non seulement refusant de réparer leurs calvaires, mais interdisant aux fidèles de les réparer à leurs frais ; dynamitant les églises ; en vendant le mobilier à l’encan ; transformant les fonts baptismaux en auges à cochons et le clocher en latrines publiques.
Barrès prophétisait que cette entreprise – qui n’allait à rien de moins qu’à détruire « la physionomie architecturale, la figure physique et morale de la terre française » –, n’en était qu’à ses débuts : « Toute la brocante veut se jeter dessus nos églises comme jadis les marchands de biens sur les grands domaines. Et on laissera faire avec une secrète joie ». À ses collègues de la Chambre des députés, qui refusaient de prendre aucune mesure contre ces destructions, il lançait : « Ne voyez-vous pas qu’en la rendant inévitable, sans la décréter, cette ruine, vous vous souillez d’un crime aggravé d’hypocrisie ? »
La situation est aujourd’hui bien plus affreuse qu’en 1914. Barrès avertissait que le terrain laissé vide par la destruction des églises serait occupé par « la magie, la sorcellerie, les aberrations théosophiques, le charlatanisme des spirites ». C’est à présent, de par l’immigration de masse, l’Islam qui vient combler les besoins spirituels des Kevin abandonnés de nos banlieues. À la Chambre, la gauche anticléricale ricanait du bon mot du député Beauquier : « Puisque Dieu est tout-puissant, il peut réparer ses églises et ne pas les laisser tomber ». La gauche est passée à l’étape ultérieure : elle construit des mosquées.
Mais la « secrète joie » est toujours la même. Ministres, députés, journaleux, toute la caste politico-médiatique jouit en secret des monuments aux morts profanés, des églises pillées et démolies, de l’héritage détruit. Elle jouit en secret de l’illettrisme croissant, de l’appauvrissement de la langue, de l’effacement de la culture classique, de tout ce qu’on n’enseigne et qu’on ne transmet plus. Elle jouit en secret des immigrés clandestins qui débarquent et qu’on n’expulse jamais. Elle jouit en secret des enfants de France qui ne naissent pas et de ceux qui prennent leur place – pourquoi donc croyez-vous que nos gouvernants aient un tel air de jubilation quand ils visitent des écoles primaires ? Elle jouit en secret des femmes et des filles françaises souillées, violées, assassinées.
Cette litanie d’abominations, sans doute, la clique au pouvoir ne s’est pas réunie un jour pour la programmer autour d’une table. Il n’y pas complot en ce sens, et ce n’est pas en ce sens que Barrès parlait de « complot contre les églises ». La clique n’en a pas besoin. Il lui suffit de laisser faire et d’empêcher, de toutes ses forces, que l’on ne réagisse. Elle regarde s’accomplir chaque jour, la joie au ventre, le génocide physique et moral du peuple de France.
Flavien Blanchon
Crédit photo : lechaudrondetaka (CC) = Monument aux morts des Éparges
ceuxdu106 = photo de poilus du 106e RI
Philippe Du Berger via Flickr (CC) = démolition de l’église St-Sauveur à Montréal