Europe : les fédéralistes poussent leurs pions

26 mai 2015 | Politique

25/05/2015 – EUROPE (NOVOpress)
Berlin et Paris ont envoyé à Bruxelles un document de travail préconisant une gouvernance économique au niveau de la zone euro. Devant l’échec de la zone euro, la fuite en avant.

David Cameron joue-t-il le rôle d’épouvantail pour les europhiles ? C’est peu après sa victoire et son engagement d’organiser un référendum sur la sortie de l’Europe en Grande-Bretagne (et celle de l’eurosceptique polonais Andrzej Duda) que la France et l’Allemagne sortent de leur chapeau une contribution préconisant la mise en place d’un gouvernement économique de la zone euro. Une vieille réclamation française, mais une première pour l’Allemagne, qui, jusqu’à présent, croyait à une Europe encadrée par des règles plus qu’à une union définissant une politique commune.

L’objectif affiché ? Plus de croissance et de convergence au niveau européen, la tenue des déficits semblant être mise au second plan. Finies l’austérité et la réduction des déficits comme alpha et oméga de l’union, ce pourrait être le côté positif de cette démarche. La France et l’Allemagne ont en effet tiré les leçons de l’échec des années de crise financière, où l’UE s’épuisait à colmater les brèches, trouvant des solutions d’urgence pour « sauver » l’Irlande, le Portugal, la Grèce, précipiter l’Union bancaire… Ils acceptent enfin d’aller au bout de la démarche fédéraliste, une monnaie commune sans politique commune étant par nature vouée à l’échec.

Il ne faut donc pas s’y tromper : le carcan européen qui pèse sur les pays ne ferait que se renforcer.

Selon la contribution commune franco-allemande, plus question de piloter son économie chacun dans son coin. Chaque année, un sommet de chefs d’État serait consacré à la définition d’une politique commune.

Commission européenne

Le bâtiment de la Commission européenne à Bruxelles

La Commission ferait alors des propositions, qui seraient discutées au sein de l’Eurogroupe, l’instance qui réunit les ministres des Finances de l’UE. Sa capacité d’action serait d’ailleurs renforcée en donnant plus de moyens et de capacité d’action au président de ce groupe. Se dessine en filigrane la création d’un poste de ministre des Finances de la zone euro, qui aurait aussi une fonction de représentation dans les instances internationales.
Afin d’habiller cette nouvelle structure des indispensables oripeaux démocratiques, Merkel et Hollande envisagent la mise en place de « structures dédiées spécifiques à la zone euro au sein du Parlement européen ». (Traduire : une commission parlementaire d’enregistrement des décisions prises par la commission et avalisées par l’Eurogroupe).

L’objectif affiché est donc très louable : assurer plus de croissance au niveau européen, doper la compétitivité et l’emploi tout en maîtrisant les finances publiques de la zone euro. Comment s’y prendre ? Devant le constat d’une zone économique ayant une monnaie commune, mais des structures économiques et sociales radicalement différentes, le maître mot sera de

favoriser la convergence réelle des économies de la zone euro

Cela passera donc par le renforcement du marché intérieur (bancaire, capitaux, industrie, services, numériques, énergie…), mais aussi par une harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, une lutte contre les stratégies d’évasion fiscale abusive et le développement d’une base sociale commune (salaire minimum, orientation commune des réformes à mener sur le marché du travail…).
Sur quelles bases cette harmonisation se fera-t-elle ? Mystère, mais on peut parier, au vu de l’orientation libérale des instances européennes et de la négociation en cours du TAFTA, que pour le volet social sera négocié a minima tandis que les mesures favorisant les multinationales (« renforcement du marché intérieur ») iront vers toujours plus de dérégulation.

Histoire de motiver les gouvernements réticents à se rallier à cette proposition, rien de tel qu’une bonne carotte : aussi Berlin et Paris se disent prêts à amplifier le plan Juncker de relance de l’investissement en Europe pour les pays de la zone euro.
La proposition franco-allemande ressemble du reste à un ballon d’essai, destiné à tester la réaction des les opinions publiques et les gouvernements face à une montée du fédéralisme européen. En effet, le président de la Commission Jean-Claude Juncker, le président de la Banque centrale européenne Marion Draghi, mais aussi le président de l’Union Donald Tusk doivent prochainement faire des propositions pour renforcer l’Union économique et monétaire.
Au vu des conséquences de l’intégration monétaire pour la plupart des pays européens, on comprend que la pilule risque d’être difficile à faire avaler.

Crédit photo : Garitan via Wikimedia Commons (CC) = Angela Merkel et François Hollande en 2012, au 50eme anniversaire de la rencontre franco-allemande Adenauer/de Gaulle à Reims.

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