SOCIÉTÉ — (NOVOpress avec Sott.net)
Le traitement réservé aux supporters de foot (ultras ou non) n’est que la caricature de l’opération d’ingénierie sociale qui nous menace tous, sous couvert de préserver notre sécurité. Vous avez dit projet de loi sur le Renseignement ?
Peut-être faites-vous partie de cette partie de la population qui ne s’intéresse pas au football, peste à chaque coupe… de France, des Clubs ceci, des Champions cela… Alors le sort des supporters doit vous importer comme votre première paire de chaussettes.
Et pourtant leur sort préfigure peut-être le nôtre. Le peu de considération dont jouissent les supporters normaux, ultras ou hooligans (par ordre croissant de « dangerosité »), auprès des médias et d’une bonne part de la population en a fait depuis plusieurs années une cible idéale pour des mesures liberticides qui rappellent parfois un certain projet de loi très controversé.
L’objectif avoué : la sécurité
Depuis plus de 20 ans, les débordements violents d’une petite minorité de supporters n’arrivaient pas à être stoppés par les mesures de police classique. La mort de l’un d’entre eux en 2010 en marge d’un match du PSG a été le prétexte d’une vaste opération de « pacification du stade », connue sous le nom de « Plan Leproux », du nom du PSG d’alors. Objectif : refaire du PSG un endroit où il fait bon aller en famille sans crainte de violence physique, de débordements verbaux ou politiques, d’interruption sauvage de matchs… Qui ne serait pour ?
L’effet recherché : servir des intérêts économiques, faciliter le contrôle social
Le fameux plan Leproux a été mis en œuvre alors que les négociations faisaient rage pour vendre le PSG au fonds souverain du Qatar. Pas question que certaines « brebis galeuses » ou « agitateurs » viennent gâcher la fête des millions. De plus, certains groupes de supporters sont connus pour être très politisés. Ces masses braillardes, populaires, contestant l’ordre marchand et social qui règne au foot… et partout ailleurs devaient être mises au pas, voire éliminées au profit d’un public plus bourgeois, donc plus rentable.
Les moyens :
1/ Répression administrative…
Le plan Leproux, c’est tout d’abord la dissolution des groupes « ultra » et le placement aléatoire des spectateurs dans les stades, afin de diluer les éléments perturbateurs dans la masse. C’est surtout la généralisation des IAS.
IAS, qu’est-ce que c’est ? Un truc qui ressemble furieusement dans sa gestation et son fonctionnement aux écoutes et dispositifs de flicage variés que légaliserait le projet de loi sur le Renseignement. Créée en 2006, l’Interdiction Administrative de Stade (IAS, donc) est une mesure qui comme son nom l’indique, se prend à la discrétion de l’administration, sans aucun contrôle judiciaire. Il doublonne avec les interdictions judiciaires de stade, qui, elles, offrent au moins un débat contradictoire entre les parties. Le machin a été voté dans la foulée d’une loi… antiterroriste, sans aucun débat parlementaire.
Tout cela ne vous rappelle rien ?
Mais le meilleur est à venir : mesure en principe d’exception, elles permettent d’interdire de stade des individus qui peuvent porter « atteinte à la forme républicaine des institutions et des violences collectives de nature à porter atteinte à la sécurité nationale »… euh, non, pardon, ça c’est ce qui légitime l’emploi de l’arsenal d’espionnage de la Loi Renseignement. Reprenons ; les IAS permettent donc d’interdire de stade tout individu qui « par son comportement d’ensemble ou par la commission d’un acte grave une personne constitue une menace pour l’ordre public (article L.332-16 du code du sport) ».
Vous l’avez compris, dans les deux cas, le motif est suffisamment vague pour qu’on puisse s’en servir à volonté. Et c’est ce qui n’a pas manqué de se passer avec les IAS, dont l’emploi est devenu massif et systématique. Oh, la jolie jurisprudence que voilà !
« Confondant ainsi suspect de terrorisme et supporters sportifs, le ministère de l’Intérieur peaufine son fichage généralisé de la population dans une sorte de boulimie dont les libertés individuelles sont les premières victimes », dénonce la Ligue des droits de l’homme.
D’ailleurs, l’État en rajoute une couche en prononçant des interdictions de déplacement à l’échelle d’une ville, d’un département ou plus encore à quiconque « se prévalant de la qualité de supporter d’une équipe ou se comportant comme tel ». Si vous ne vous sentez toujours pas concernés, remplacez « supporter d’une équipe » par « militant syndical », « activiste religieux », « Zadiste », « partisan du Grand Schtroumpf » ou tout ce que vous voudrez. Dans tous les cas, les recours – forcément a posteriori — sont inopérants : le mal est fait.
Le dispositif vise officiellement à écarter les hooligans, mais en fin de compte, il est utilisé contre les opposants pacifiques au Plan Leproux, à ceux qui critiquent la ligue de football, complice de la manip et autres fauteurs de troubles « graves ». Vous avez dit police politique ?
2/ … et le fichage
Le PSG, lui, atout simplement créé un fichier des individus indésirables à qui il refuse par exemple de vendre des billets ou d’accéder au stade. Fichier illégal (pas d’accord de la CNIL), il est constitué sur des critères flous et là encore totalement discrétionnaires, mais comprend un maximum d’informations sur les personnes visées : état civil, profession, signes physiques, photos, immatriculation des véhicules, antécédents « para-sportifs » justifiant le fichage, activité syndicale, convictions religieuses, engagements politiques…
Que croyez-vous que l’État fit face à un tel abus ? Par un arrêté du 15 avril dernier, il légalisa le fichier en question ! Désormais dépositaire de cette base de données, il la met à disposition de l’ensemble des clubs, entreprises privées qui se voient par là conférées une sorte de droit de police. Le fichage discrétionnaire, c’es aussi dans les tuyaux de la Loi Renseignement, les autorisation d’espionnage étant données par le Premier ministre sur avis (facultatif) d’une commission dont la composition laisse à douter de son efficacité.
Big Brother est aujourd’hui dans les stades, demain chez vous…
Crédit photo : Néric Blein Via Flickr (CC)