Source : Poste de Veille – Hélios d’Alexandrie revient sur le génocide des arméniens et autres populations chrétiennes en Turquie. des rappels historiques précieux sur sur le sort des dhimmis en terre d’islam, qui trouve une résonance particulière avec l’actualité de cette région. Le même Etat qui hier perpétrait ce génocide soutient aujourd’hui DAESH dans sa volonté de “purification religieuse” de la région.
Ils étaient de bons et loyaux sujets du Sultan ottoman, calife de son état, siégeant à la « Sublime Porte » dans la ville de Constantinople. Ils étaient chez eux, dans leur pays, ils appartiennent à une nation trois fois millénaire, fidèlement chrétienne depuis le quatrième siècle. Dans cet empire multiculturel, multiethnique et multiconfessionnel, ils parvinrent malgré leur foi qui leur interdisait l’accès aux postes de commandement, à réussir et à prospérer à force de sérieux et de travail. Comme ailleurs dans le monde islamique ils furent, de par leur statut de chrétiens, les pionniers et les accoucheurs de la modernité.
La résistance à l’oppression
Ils, ce sont les Arméniens, mais également, quoiqu’en nombre à peine moins grand, les syriaques, les Assyriens, les Chaldéens et les Grecs. Si les minorités chrétiennes opprimées réussissent beaucoup mieux que leurs oppresseurs musulmans, c’est que l’injustice et l’oppression sont comme un aiguillon qui les pousse à surmonter les obstacles, à relever les défis, à passer outre aux humiliations et à regagner leur fierté. Les minorités chrétiennes savent se rendre indispensables, leur secret c’est le savoir, la culture, l’ouverture à la modernité, les habiletés manuelles et techniques, le travail dans le silence, l’endurance, l’art précieux de produire la richesse, l’honnêteté, la droiture et la loyauté. Citoyens de seconde zone, mais exemplaires, que peut-on leur reprocher, si ce n’est de résister à leur manière contre le mépris ?
Survivre est également une autre facette de la résistance. Survivre à la haine religieuse et aux persécutions, rester fidèle à sa foi chrétienne, l’approfondir, la célébrer, répliquer à la haine par l’amour en suivant le chemin difficile tracé par les évangiles : « aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous persécutent ! » Dans un empire où ils ne détiennent aucun droit, où ils subissent des brimades au quotidien et sont soumis à l’arbitraire du Sultan, ils savent que rien ni personne ne les protégera le jour où l’autorité politique suprême donnera l’ordre de les annihiler. Ils auraient pu s’affranchir de cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de leurs têtes durant cinq siècles, il leur suffisait de céder sur l’essentiel, de cesser d’être eux-mêmes, de s’identifier à leurs persécuteurs, de devenir musulmans comme eux. Quelques-uns cédèrent et obtinrent finalement la paix, mais une majorité écrasante est restée fidèle à la religion de ses ancêtres.
Les chrétiens vecteurs de modernité
Circonstance aggravante que celle qui consiste à rester ferme dans la foi, car il n’y a rien de plus insupportable à un persécuteur que la foi assumée de sa victime. Et il n’y a rien de plus provocant pour les fanatiques musulmans que de voir les chrétiens s’arrimer à la modernité ; car c’est s’affranchir en partie de la tyrannie islamique que d’instruire ses enfants et leur rendre accessibles les langues, les sciences et la culture européennes. Lentement, mais sûrement les dhimmis, ceux qui doivent payer la rançon annuelle dans l’humiliation, creusent l’écart avec leurs maîtres, ce sont eux qui comprennent et parlent plusieurs langues, font usage de l’imprimerie, traduisent des milliers d’ouvrages d’auteurs européens célèbres, publient des journaux, des périodiques et des livres, introduisent et interprètent la grande musique, fondent des salles de concert, des théâtres et des studios de cinéma, se distinguent en peinture et en sculpture et, dans toutes les provinces de l’empire, ce sont eux qui éveillent les populations et les conduisent au seuil de la modernité.
Au tournant du siècle, le califat ottoman, surnommé « l’homme malade » de l’Europe, ne fait que perdre du terrain, ses possessions européennes se détachent de l’empire, les défaites militaires se multiplient. Face à la civilisation occidentale, l’islam est en constant recul, non seulement sur les plans militaires et politiques, mais encore plus sur les plans culturels et spirituels ; recul aux frontières, mais également dans le cœur de l’empire. Fini le rêve insensé d’un califat universel régnant sur le monde et imposant la loi d’Allah à toute l’humanité. La religion d’Allah, le coran son ultime message, qui abroge et remplace la Torah et l’Évangile, se trouvent en position d’extrême faiblesse face au christianisme triomphant.
La contre-attaque turque

Les « Trois Pachas » ont planifié et organisé « le déplacement des dhimmis » (la population non-musulmane) de l’Empire ottoman, ce qui a mené au génocide arménien : le Grand Vizir (Premier ministre) et ministre de l’Intérieur, Mehmet Talaat Pacha ; le ministre de la Guerre, Ismail Enver Pacha ; et le ministre de la Marine, Ahmed Djemal Pacha.
Que faire face à l’enchaînement des défaites, si ce n’est de remettre en question le statut des minorités au sein de l’empire ? Car ce sont elles qui sont la tête de lance du christianisme à l’intérieur, elles sont les alliées objectives de l’ennemi extérieur du fait qu’elles professent la même religion. Fini le caractère multiculturel et multiconfessionnel de l’empire, à bien y penser ce fut une erreur de l’avoir toléré dans le passé, ou de l’avoir insuffisamment combattu en 1895 sous le règne du Sultan Abd el Hamid. En réaction au « vieil homme malade » qui agonise, le mouvement « Jeune Turquie » voit le jour avec comme mot d’ordre la Turquie aux Turcs.
Une nouvelle Turquie doit naître des cendres du califat ottoman, elle aura la pureté de la race et la vigueur de la jeunesse retrouvée. La nouvelle Turquie ne peut, à moins de « perdre son âme », s’accommoder des autres nationalités et encore moins des autres religions, elle doit se purifier avant de voir le jour, avant de se reconnaître comme nation. Elle a donc besoin d’un « acte fondateur », d’un « projet national », d’un « élan spirituel » unissant tous les citoyens musulmans et consolidant les assises de la nouvelle nation.
1914, la Première Guerre mondiale embrase l’Europe, l’Allemagne, l’empire austro-hongrois et l’Empire ottoman se battent dans le même camp. Le brouillard de la guerre est épais, conséquence du progrès technique dans la production d’armes de plus en plus meurtrières, les morts se comptent par centaines de milliers, l’Europe entière est endeuillée et pleure sa jeunesse fauchée dans sa fleur. L’heure est propice, car le monde est divisé en deux, des ennemis occupés par leurs propres malheurs et des alliés volontiers silencieux. Au printemps de 1915, la décision est prise, il y aura une solution finale à la question arménienne. Impuissant à conquérir et en retraite à peu près partout, l’empire va désormais mener des conquêtes à l’intérieur de ses frontières ; les vastes territoires peuplés d’Arméniens, de Chaldéens, de syriaques et d’Assyriens seront « nettoyés » de leurs habitants.
Une première des temps modernes : le génocide
Les théoriciens, les décideurs et les organisateurs du crime comptent peu aux yeux de l’histoire quand le crime est collectif, quand le peuple y participe avec conviction, voire avec enthousiasme. Le coup d’envoi est donné le 24 avril 1915, plus de trois cents Arméniens parmi les élites sont convoqués à Constantinople et assassinés sans autre forme de procès. Les jours, les semaines et les mois qui suivent voient s’enchaîner les scènes d’horreur, car l’entreprise est gigantesque et doit être menée à bien dans les plus brefs délais. Les procédés varient d’un lieu à un autre : ici, des potences sont érigées où l’on exécute les hommes en série, là des centaines de croix sont dressées où les femmes sont crucifiées toutes nues, plus loin des familles entières sont fusillées. Des centaines de villages sont vidés de leurs habitants, les hommes sont séparés des femmes et conduits dans des lieux en retrait, là on les égorge ou on les décapite à la hache. Quand les exécutions se font dans le voisinage des cours d’eau, les rivières prennent la couleur du sang durant plusieurs jours.
Les Turcs musulmans ne se font pas prier, ils accourent pour prendre part aux massacres, mais également pour sélectionner les filles les plus belles qu’ils destinent à leur harem et les garçons les plus beaux dont ils abuseront ; actions sans doute méritoires, car ils les convertiront à l’islam et en feront d’authentiques Turcs. De retour chez eux ils porteront au bout des piques comme des trophées, les têtes des hommes qu’ils ont décapités et se feront prendre en photo pour la gloire. À bien des endroits une certaine compassion se fait jour, avant de les tuer on offre aux femmes de se convertir à l’islam pour avoir la vie sauve, quelques-unes cèdent à la peur de mourir, mais l’immense majorité témoigne de sa foi dans le Christ. Elles sont alors dénudées et placées en rang, certaines portant leur bébé, on les fera avancer à la pointe du fusil vers le fossé où on les égorgera.
Mais les Turcs musulmans ne sont pas à court d’idées, comme il s’agit d’anéantir des centaines de milliers d’êtres humains, tous les moyens sont bons. Ils ne reculeront devant rien et utiliseront les églises, ces lieux de mécréance, pour immoler les chrétiens par le feu. Des centaines d’Oradour-sur-Glane ont lieu, au plaisir d’éliminer l’ennemi intérieur, ils joignent la satisfaction de détruire ses lieux de culte. Le territoire est purifié de toute trace chrétienne, et les églises qui ne sont pas incendiées ou détruites seront transformées en mosquées.

Corps décapités d’Arméniens qui travaillaient à la construction de routes (Musée-institut du génocide arménien de la République d’Arménie)
Les marches de la mort
Des centaines de milliers d’Arméniens, de syriaques, de Chaldéens et d’Assyriens sont jetés sur le chemin en plein hiver, sans vêtements chauds et sans provisions et sans eau potable. Ils doivent parcourir des centaines de kilomètres en direction de Deir el Zor, traverser le vaste désert syrien à pied dans la neige. Le froid, la faim et la maladie ont tôt fait de prélever un lourd tribut sur les colonnes de réfugiés, les morts sont abandonnés sur place ou hâtivement enterrés par des survivants creusant la terre à mains nues. La nuit les loups rôdent, ils guettent les jeunes enfants qui ont perdu leurs parents et qui sont à la traîne, ils les attaquent et les dévorent vivants. Mais les marcheurs ne sont pas au bout de leur peine, car à peine arrivés à destination, ils sont accueillis par des bandes armées qui les pourchassent et les tuent.
Les routes de la mort sont jalonnées de cadavres, plus tard on ne verra que les ossements, des pyramides de crânes seront érigées, monuments à la gloire de l’islam et de ceux qui ont tué en son nom.
Les Turcs ont gagné
« Qui se souvient des Arméniens ? » Telle fut la réplique d’Adolf Hitler à ceux qui, parmi ses généraux, s’inquiétaient des possibles conséquences de la solution finale, la Shoah. Et même si on se souvient d’eux aujourd’hui, même si on condamne le crime et ceux qui l’ont commis, que ferons-nous contre un État qui en quelques années, a éliminé et exilé pas loin du cinquième de sa population ? Un État assis sur trois millions de cadavres depuis cent ans ? Un État jugé fréquentable, mais qui refuse de reconnaître sa responsabilité ? Un État qui insulte et menace tous ceux qui osent nommer son crime ? Un État qui a haussé le mensonge et le cynisme à des sommets inégalés, jusqu’à édifier un mémorial à de supposées victimes turques tuées par des civils arméniens ?
Les trois millions d’Arméniens, de syriaques, de Chaldéens, d’Assyriens, de Grecs disparus dans le génocide, n’ont pas de descendants. Si on les avait laissé vivre, si les survivants exilés avaient continué à occuper leur terre ancestrale, ils seraient à présent pas loin de vingt millions selon les estimés les plus crédibles. Les survivants arméniens du génocide sont au nombre de dix millions dont à peine 15 % vivent en Arménie, la majorité est dispersée sur cinq continents, ils sont à peu près tous les descendants des survivants du génocide. Ils n’ont pas de droit de retour, ils ne pourront jamais vivre sur la terre de leurs ancêtres et ils ne seront jamais dédommagés.
Les Turcs persistent et signent
Le crime a payé une première fois, il n’y a donc rien qui l’empêche de payer encore et encore. Outre l’île de Chypre envahie et occupée en partie par la Turquie au mépris des lois internationales, nous assistons à présent à une alliance concrète entre l’État turc et l’État Islamique (DAESH). Les islamistes turcs rêvent d’un nouvel empire ottoman, ils convoitent le nord de la Syrie et en particulier la région d’Alep. Le sale travail ils le laissent faire par les djihadistes qu’ils alimentent en armes et en munitions, ils leur fournissent des camps d’entraînement en Turquie, à l’abri des attaques aériennes de la coalition. Ils laissent les aspirants djihadistes rejoindre la Syrie à travers leur territoire, ils achètent à vil prix le pétrole de Syrie et d’Irak que les djihadistes pompent sans interruption, ils interdisent aux bombardiers américains de décoller des bases de l’OTAN en Turquie, et ils empêchent que des renforts soient acheminés pour les Kurdes syriens qui se battent contre l’État islamique.
Doit-on s’en étonner ? Les descendants de gens ayant égorgé, décapité, brûlé, violé et poussé à une mort certaine des millions d’êtres humains, peuvent-ils sérieusement ressentir de l’horreur pour des crimes équivalents, mais commis à une moindre échelle ? Les bénéficiaires du génocide peuvent-ils désavouer les nouveaux génocidaires avec qui ils collaborent étroitement ?
Le fait est que l’État turc aujourd’hui se félicite du génocide perpétré il y a cent ans, il s’en félicite parce qu’il en récolte les dividendes : il n’y a plus de chrétiens en Turquie et donc aucun véritable obstacle au règne de l’intégrisme islamique, les Turcs se sont emparés d’un vaste territoire appartenant historiquement à l’Arménie et n’ont aucune intention de le restituer.
Le 24 avril dernier, jour du centenaire, les chefs d’État occidentaux ont uni leurs voix pour souligner le génocide des Arméniens et les souffrances endurées par les survivants. Ils ont traité le sujet comme si les Turcs aujourd’hui étaient entièrement innocents des crimes de leurs parents. Tout au plus leur demande-t-on de reconnaître qu’il y a eu génocide, que les faits abondamment documentés sont réels. Comme pour donner l’exemple, le président allemand a reconnu publiquement la responsabilité de son pays dans le génocide arménien, responsabilité indirecte du fait de son silence approbateur en faveur de l’allié turc, lors de la Première Guerre mondiale. Quelle fut la réaction turque ? Un torrent d’imprécations envers les représentants du monde occidental, un flot de rage où s’entremêlent dénis et accusations.
Il n’y a pas de honte ni de culpabilité pour les musulmans quand ils tuent au nom de l’islam, c’est bien connu, mais rarement aura-t-on vu un État qui se dit civilisé et moderne, refuser à ce point l’évidence, et agresser verbalement les États et leurs représentants qui en prennent acte : « La Turquie n’a commis aucun crime, ceux qui l’accusent font de la diffamation », voilà en somme la position officielle du gouvernement turc. Autrement dit, le gouvernement turc a massacré trois millions de chrétiens, mais il était dans son droit !
Silence radio en terre d’islam
Solidarité islamique oblige, pas un seul État musulman n’a reconnu le génocide des Arméniens. Mais il y a là plus que de la solidarité, car le silence n’est pas seulement pudique ou diplomatique, il est approbateur. Le droit d’annihiler sa minorité chrétienne que revendique la Turquie est inscrit en toutes lettres dans le coran et la charia. Les conquérants musulmans à travers quatorze siècles n’ont pas agi autrement. C’est d’ailleurs le même programme que revendiquent et appliquent rigoureusement DAESH, Boko Haram, el Shebab, al-Qaeda et d’autres groupes plus ou moins importants, en opération un peu partout sur la planète. Et c’est encore ce droit que le Soudan islamiste a fait valoir en massacrant sans état d’âme deux millions de chrétiens du Sud et trois cent mille habitants du Darfour.
Que vaut la vie d’un chrétien en terre d’islam ?
Poser la question c’est y répondre. Quand des centaines de musulmans chauffés à blanc par le prêche incendiaire du vendredi sortent des mosquées, ils se ruent d’habitude sur les chrétiens, sur leurs églises et leurs commerces. Coups, blessures, meurtres, destructions, incendies s’ensuivent, la police tarde à se présenter, elle attend que tout soit terminé pour arrêter les chrétiens estropiés et les amener au poste de police, où on les menace de graves sévices, si par malheur ils s’avisaient de porter plainte. Point de plainte point de procès et tout est bien qui finit bien. Il n’y a pas eu de crime ni d’incitations à commettre des crimes, les musulmans sont dans leur droit et malheur à qui dit le contraire !
Il s’agit là d’un schéma, d’un système, d’un type de comportement admis et reconnu, non dans les lois écrites, mais dans la vie de tous les jours. Le chrétien en terre d’islam doit être reconnaissant qu’on le laisse en vie, partant nul n’a lieu de se plaindre si on le tue.
Les leçons du génocide
Le monde islamique n’a jamais payé pour ses crimes, il n’est donc pas étonnant que la Turquie refuse de reconnaître le sien. Commis au nom de l’islam et en conformité avec ses enseignements, viols, enlèvements, assassinats, massacres à grande échelle ne seront jamais reconnus comme tels par les musulmans, ils resteront donc à jamais impunis. Le monde islamique se videra de ses chrétiens, toute une page de l’histoire s’effacera, personne ne s’émouvra et personne ne s’inquiétera. Justice ne sera jamais rendue jusqu’au jour où le monde libre se sentira à son tour sérieusement menacé, peut-être alors comprendra-t-il que les nombreux attentats dont il est l’objet, comme les massacres projetés dans deux églises de Villejuif il y a à peine une semaine, ne sont que le début du prochain génocide. Un génocide qui ne dit pas son nom, mais qui n’en est pas moins réel.
Hélios d’Alexandrie