La terre et les morts : notre devoir de mémoire 1914 – 1918 (11 et fin)

24 novembre 2014 | Culture, Europe, France, Politique, Société

24/10/2014- LAVAL (NOVOpress)
Il aura fallu cent ans pour que la société moderne, gangrenée par l’hyper-mobilité, la sur-consommation et le rejet pathologique du passé, se souvienne d’une guerre qui fut à l’origine d’un ethnocide sans précédent. Des générations de paysans et d’ouvriers ne reviendront jamais de quatre années d’un conflit indépassable dans l’horreur et l’héroïsme quotidien. Ceux-là mêmes qui eurent à affronter les sabreurs de Clémenceau le Rouge quelques années plus tôt lors des grandes grèves du début de siècle, fourniront sans rechigner les bataillons lancés dans la boue des tranchées. L’aristocratie française s’éteindra elle aussi dans les charges et les trous d’obus, « en casoar et gants blancs », sous le regard moqueur de l’industrie de l’armement. L’année 1918 verra naître la fin d’un monde.

Si notre attention est essentiellement dirigée sur la société de demain et les façons d’y parvenir, nous n’oublions pas que nous sommes les gardiens d’une tradition et d’une histoire. La Grande Guerre, par son ampleur folle, a touché chaque famille française, du plus petit village, à la grande métropole. Nos monuments aux morts en témoignent. Hors du consensus mou orchestré par l’Etat, il nous a paru indispensable d’évoquer cette tragédie humaine et la mémoire de nos ancêtres. Celle-ci nous appartient tout autant – et peut être même plus – qu’à d’autres.

Pour ce faire, nous avons choisi délibérément de suivre un de ces conscrits de 1914 à travers les lettres qu’il envoya quotidiennement à sa famille et ce jusqu’à son décès au front le 28 février 1915 (photo). Ces lettres furent publiées dans la presse locale pendant la période de guerre et restent inédites depuis. Si elles reflètent pleinement une époque (la propagande joue un rôle déterminant), on y découvre l’homme en arme avec toutes ses contradictions. Mais c’est surtout le quotidien effrayant des combattants que nous allons découvrir.

D’origine modeste – son père est journalier et sa mère femme de ménage –, Paul Vaseux naît le 6 janvier 1889 dans un petit village du Maine, sur les marches de Bretagne et Normandie. Incorporé à compter du 28 septembre 1907 comme engagé volontaire au 131ème régiment d’infanterie, le jeune homme se rengage successivement quatre fois et gravit les échelons de la hiérarchie militaire : caporal en 1908, sergent en 1911, sergent-major en 1913. Son état des services le décrit blond aux yeux bleus et d’une taille de 1,67 mètre. En décembre 1913 survient le décès de sa mère qui va marquer profondément le jeune sous-officier. Le 1er août 1914 on mobilise…

La dixième partie des lettres de Paul Vaseux

A la fin de l’année 1914, le 131ème régiment d’infanterie se bat autour de deux villages dont les noms, désormais historiques, rappellent des combats sanglants : Vauquois, observatoire d’où l’on domine 30 kilomètres de terrain, et Boureilles, clef de la route qui contourne l’Argonne.


Le 27 février 1915, le sous-lieutenant Paul Vaseux écrit une courte lettre à sa famille. Le régiment vient d’être relevé des tranchées de première ligne par le 82ème RI et cantonne autour de la Maison-Forestière.

27 février 1915
« Le soleil vient de faire pénétrer ses rayons dans mon gourbi où j’ai pu me reposer sérieusement une partie de la nuit et c’est au saut du lit, en attendant le café qui se fait que je vous envoie un petit mot. Dans quelques jours nous serons au repos et j’en profiterai pour essayer de vous écrire longuement.

Je vous embrasse tous de tout mon cœur. »

Le dimanche 28 février, les hommes se réveillent dans un froid intense. Certains s’empressent d’aller faire un brin de toilette dans le fond du ravin où coulent plusieurs petites sources très limpides. Une messe est célébrée par l’aumônier de la division à la Maison-Forestière.

Dans la journée, un duel d’artillerie s’engage entre les 155 et 120 français, et les 77 allemands. Le 82ème RI attaque les tranchées ennemies de la cote 263. La compagnie de Paul Vaseux est envoyée en renfort sur le plateau, franchissant des zones bombardées, pour coopérer à cette attaque.

Au cours de l’action, un obus fauche les sous-lieutenants Paul Vaseux et André Nivert ainsi que le sergent-major Grillon. Paul Vaseux décède sur le coup. Il est inhumé le lendemain au cimetière de la Maison-Forestière.

Il avait été décrit par son chef de corps comme « excellent officier, sympathique au plus haut point, intelligent, calme, courageux, à qui j’avais déjà confié une mission délicate au cours d’une action et pour lequel je fondais des espérances pour le commandement d’une compagnie ».

Le Mayennais Paul Vaseux est aujourd’hui inhumé au sein de la nécropole nationale La Forestière (55 Lachalade), tombe N°748, bien loin de chez lui.

Guillaume Le Carbonnel

Crédit photo : DR

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