Tourisme social : l’Europe schizophrène (Présent 8229)

12 novembre 2014 | Économie, Europe, Politique, Santé, Société

12/11/2014 – LUXEMBOURG (NOVOpress)
Un tantinet pressée par plusieurs pays membres croulant littéralement sous le poids croissant de l’immigration et du tourisme social, la Cour de justice européenne, prenant appui sur la directive 2004/38 relative à la libre circulation des biens et des personnes, a jugé mardi que les « Etats membres ne sont pas tenus d’octroyer des aides à des étrangers ne cherchant pas de travail ». Un arrêt qui constitue surtout un rappel à la loi et est largement insuffisant. Car c’est le principe même de la libre circulation qui doit être remis en cause.

Directive 2004/38

Une du numéro 8229 de "Présent"

Une du numéro 8229 de “Présent”

A l’origine de cette décision de justice, la saisie en 2013 par le tribunal social de Leipzig de la Cour de Luxembourg au sujet d’un litige opposant Elisabeta Dano et son fils, deux ressortissants roumains, au Jobcenter de Leipzig. Estimant que cette femme, installée depuis trois ans en Allemagne alors qu’elle n’a aucun lien particulier avec ce pays, ne cherchait pas de travail et préférait vivre des aides de l’Etat, le Jobcenter avait en effet refusé de leur verser certaines prestations sociales prévues par la législation allemande. Or, statuant mardi, la Cour européenne a donné raison aux autorités allemandes, en rappelant notamment que « l’une des conditions (…) pour un permis de séjour est que les personnes économiquement inactives aient des ressources propres suffisantes » et que la directive 2004/38 relative à la libre circulation des biens et des personnes prévoit justement d’« éviter que les citoyens de l’Union ressortissant d’autres Etats membres ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’Etat membre d’accueil ».

Un « mythe » ?

Une décision de justice immédiatement applaudie par le Premier ministre de Grande-Bretagne, David Cameron, qui, confronté à la poussée de l’UKIP et au mécontentement croissant de l’opinion britannique, avait annoncé récemment qu’il souhaitait limiter l’immigration en provenance des autres pays de l’Union, et parlait même de renégocier les conditions d’appartenance son pays à l’Europe.

Mais une décision qui traduit aussi la schizophrénie bruxelloise. En effet, la Commission européenne avait beau affirmer mardi qu’elle « a toujours estimé que le principe de libre circulation signifie le droit de se déplacer » et que ce dernier « n’est pas le droit d’avoir accès librement aux prestations sociales d’un pays membre », il n’en a pas toujours été ainsi. Alors que plusieurs Etats membres, tels que la Grande-Bretagne, mais aussi l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique ou encore l’Autriche, dénonçaient très justement en début d’année une situation devenue ingérable, Laszlo Andor, commissaire en charge des Affaires sociales, leur a répondu que « ce tourisme social est un mythe » et que « personne ne peut penser qu’il est aisé de s’installer dans un autre pays et d’y profiter sans délai des prestations sociales ». Sacré Laszlo ! Il devrait tenter l’expérience en France…

Surtout, en effaçant les frontières et en bannissant la préférence nationale, le principe de libre circulation des personnes ne pouvait qu’encourager ce tourisme social.

Franck Delétraz

Crédit photo : BeeJay via Wikipédia (cc).

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