03/11/2014 – PARIS (NOVOpress)
Dans le droit fil des travaux entrepris par le Grece pendant plusieurs décennies, il nous semble toujours aussi important d’envisager le réel sans œillères idéologiques. Notre vision du monde doit pouvoir se nourrir de positions en apparence antagonistes et s’affiner en se confrontant à elles. C’est un fait : les questions de fond ont déserté l’arène politique. Loin des (trop) superficielles querelles politiciennes, qui emploient le plus souvent l’invective et la reductio ad hitlerum (y compris dans notre propre famille), nous tranchons pour un travail des idées dans la sérénité et le sérieux. Ce travail d’actualisation des concepts et analyses qui sont nôtres a pour principal souci de pouvoir s’inscrire dans le réel. Nous rejetterons donc, autant que faire se peut, les réflexions absconses et les jargons en tous genres. Le crayon en main, disséquant et annotant, mâchonnant et méditant, nous préparons les victoires sémantiques, idéologiques et politiques de demain.
Chaque mois, Novopress vous propose une courte synthèse du meilleur et du pire de la presse de gauche. Pas la gauche caviar, amie de la finance, façon Nouvel Obs. Pas la gauche Beaubourg ou Télérama. Bienvenue dans cette gauche où soufflent encore l’espérance révolutionnaire et la défense d’un peuple encore vivant. Bonne découverte de ses richesses… et de ses contradictions.
Revue de presse réalisée par Pierre Saint-Servant
Modernité et critique technologique, la ligne de crête
C’est une contradiction qui nous tiraille tous. Comment maintenir les valeurs traditionnelles – c’est-à-dire celles qui ne passent pas – tout en ne négligeant pas les outils modernes qui ont remplacé les anciens moyens de communication ? L’archéo-futurisme répondrait Guillaume Faye ? Ce n’est pas sans risque. Nous marchons en tout cas sur une ligne de crête, et les occasions de chute sont nombreuses. Le dossier principal de La Décroissance du mois d’octobre est consacré à « La fuite du réel ». Et le courrier des lecteurs apporte le témoignage d’un professeur de lettres classiques confronté à l’invasion high-tech au sein de l’Education nationale : « Le message qui m’y fut délivré est simple : tout à l’ordi. Tout à l’ordi, comme on dit tout à l’égout ». Et cette grande course suicidaire n’est pas que l’œuvre de naïfs, toujours assez bêtes pour penser que le nouveau est nécessairement bon. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que la destruction méthodique des savoirs, le refus de la transmission et la rupture de tout lien historico-civilisationnel servent tout à fait un double objectif de l’oligarchie. D’une part l’arraisonnement-abêtissement-fragilisation des masses, incapables de réagir et de se prendre en main ; et d’autre part l’augmentation de la consommation par compensation d’une détresse psychologique et sociale de plus en plus vive.
L’Université et les pédagogues à l’assaut de la transmission historique
Il y a une crise de la transmission en France. Tous les adeptes cinglés de la « déconstruction » ont sapé en quelques décennies post soixante-huitardes le patient travail de plusieurs siècles. François-Xavier Bellamy, normalien et professeur de philosophie, en a fait une description aussi précise qu’envolée dans un essai percutant Les déshérités. Le Français moyen mesure tout à fait cette réalité. Le bac désormais bradé, les adolescents très largement analphabètes bien qu’à des degrés divers, l’amnésie générale quant à une large part de l’histoire et des valeurs européennes. Pour certains pédagogues pédagogisants, cela n’est pourtant pas suffisant. Selon eux, nous assistons au grand retour des heures les plus sombres de notre histoire, portées par d’affreux historiens réactionnaires. Dimitri Casali, qui lutte depuis des années contre l’épuration des manuels scolaires, est leur bouc-émissaire favori. L’entretien publié dans CQFD n° 125 (octobre 2014) sous le titre : « Histoire, il faut prôner le désordre » est édifiant. Trois partisans du désordre dénoncent ainsi « le roman national édifiant, basé sur un continuum identitaire » et appellent de leur vœux des programmes « qui croisent l’histoire sociale, l’histoire par en bas, le genre, l’histoire connectée, l’immigration, les circulations ». Du Peillon chimiquement pur, rehaussé par Najat ! Vous vous demandez encore à quoi tient le succès des écoles hors contrats ?
Centenaire de 1914, l’extrême gauche mélange massacre collectif et héroïsme individuel
Que la guerre de 1914-1918 fut un gigantesque massacre, massacre qui aurait tout à fait pût être évité mais qui servait les intérêts de puissances pourtant ennemies, tout cela, personne ne peut le nier. Nombreux furent les historiens qui surent décrypter toute la machinerie qui articula frictions géopolitiques, agitation révolutionnaire et intérêts économiques des grands industriels pour mieux broyer pendant cinq années tout ce que l’Europe comptait de forces vives. Dominique Venner tenait à qualifier de « guerre civile européenne » les deux grands conflits dits mondiaux du XXème siècle.
Pourtant, malgré toute la finesse critique que peut aujourd’hui déployer l’historiographie, nous savons reconnaître la grandeur individuelle au milieu de la barbarie collective. La vacuité des grandes batailles meurtrières ne neutralise nullement le courage magnifique qu’il fallait au poilu pour sortir de sa tranchée et monter à l’assaut. La peur, l’angoisse des veilles, l’horreur des blessures mais aussi la solidarité, le courage inattendu, l’amour d’une terre âprement défendue ont sculpté le grand monument des vertus européennes. Alors il va sans dire que le n° 57 du Monde Libertaire et son dossier « Morts par la France » nous paraît être une bien idiote entreprise. Entre le coup d’épée dans l’eau (les portes ouvertes sont violemment enfoncées dans ce dossier, plein de prêchi-prêcha individualiste) et le déterrement de cadavres. Pourtant il est bien certain que de nombreux anars’, enfants du drapeau noir se sont aussi bien battus que leurs camarades patriotes ou indifférents. Et si ce n’était pas pour le drapeau tricolore, c’était au moins pour le copain qui était là, juste à côté. « Non ! Nous ne commémorons pas. (…) Nous portons notre regard ailleurs, à l’arrière où se trament les cyniques manœuvres des politiciens ». Pourquoi ne voir que d’un œil ? Nous préférons la vue d’ensemble. Et traquant les salauds, nous tenons à saluer les héros !
Centenaire : l’escroquerie médiatique pour occulter le réel
Par cette revue de presse, nous tâchons de reconnaître les bonnes idées là où elles se trouvent, y compris chez ceux qui sont sur d’autres thématiques chez nos adversaires. Nous savons aussi reconnaître les bonnes questions lorsqu’elles ont le courage d’être posées. Nous vous quittons donc sur ces quelques lignes de La Décroissance : « Chers lecteurs, la célébration du centenaire du début de la Première Guerre mondiale ad nauseam par le président et son gouvernement suffira-t-elle pour faire oublier la masse bien silencieuse de 5 millions de chômeurs, record de notre histoire ? La propagande des grands médias, qui a permis à la France de détrôner l’Angleterre dans le rôle du plus féroce caniche de l’Oncle Sam, permettra-t-elle à l’Empire du Bien de vaincre le Côté obscur de la force (les Arabes, Poutine) ? Evitera-t-on à BHL et son épouse Arielle Dombasle de connaître le terrible sort de Nicolae et Elena Ceaucescu ? Vous le saurez en lisant notre prochain numéro ! » Patience donc.
Crédit photo Une : JLPC via Wikipédia (cc).