31/07/2014 – PARIS (NOVOpress)
Aujourd’hui 31 juillet 2014 est commémoré le centenaire de la mort de Jean Jaurès. L’homme politique français était un élu du Parti socialiste (à l’époque Section française de l’internationale ouvrière [SFIO]), mais également un historien, un philosophe et un journaliste. Il avait fondé en 1904 le quotidien L’Humanité dans lequel il n’hésitait jamais à manier la plume pour exprimer ouvertement son point de vue.
Jean Jaurès a marqué l’Histoire, et plus particulièrement l’Histoire de l’Europe, en étant l’homme qui s’est opposé à la Grande Guerre et qui a tout fait pour stopper la marche à la guerre. Lors de son dernier discours du 25 juillet 1914 à Lyon-Vaise, il mettait en garde son auditoire de la tragédie qui pointait à l’horizon avec le langage des visionnaires qui ont raison avant tout le monde : « Songez à ce que serait le désastre pour l’Europe: ce ne serait plus, comme dans les Balkans, une armée de trois cent mille hommes, mais quatre, cinq et six armées de deux millions d’hommes. Quel massacre, quelles ruines, quelle barbarie ! » Il souhaitait organiser une grève générale en Europe et préparait une manifestation contre la guerre qui aurait dû avoir lieu le 9 aout 1914.
Hélas, sa parole ne porta pas dans une France gagnée par la fièvre nationaliste, soigneusement excitée par les médias et les intellectuels de l’époque qui poussaient à la revanche sur l’Allemagne suite à la perte de l’Alsace-Lorraine en 1870. À 21h30, alors qu’il dînait au Café du Croissant, rue Montmartre à Paris (dans le 2ème arrondissement), il fût assassiné de deux coups de revolver par Raoul Villain, un nationaliste membre de l’association des Jeunes Amis de l’Alsace-Lorraine. « L’assassinat de Jaurès survient au moment où l’engrenage infernal s’est mis en route de manière implacable. La Russie a décrété la mobilisation générale, l’Allemagne a proclamé “l’état de danger de guerre” avant de passer à son tour à la mobilisation générale. Dans les 48 heures qui suivent, des fausses nouvelles, savamment distillées, suscitent les réactions bellicistes d’une partie grandissante de l’opinion », explique le professeur d’Histoire Maurice Martin dans le numéro hors série de La Nouvelle Revue d’Histoire actuellement en kiosque (« Eté 1914, pourquoi le suicide de l’Europe ? »).
Jaurès, l’Européen
En s’opposant ardemment à la guerre, Jaurès avait été la cible de tous les opposants nationalistes et revanchistes. « En 1913, Jaurès a été qualifié “d’agent allemand” par Péguy dans L’Argent, suite ; le grand poète a écrit qu’en cas de guerre, “il faut mettre Jaurès dans une charrette et un roulement de tambour pour couvrir sa grande voix” », rapporte Yves-Marie Adeline dans 1914, Une tragédie européenne, « Maurras, dans son journal L’Action française, écrit : “M. Jaurès, c’est l’Allemagne. Or quand M. Jaurès fait du patriotisme à la chambre, il n’y a personne dans les travées, dans les tribunes, pas un collègue, pas un journaliste, pas un huissier pour lui jeter les pommes cuites auxquelles a droit ce misérable.” ». En vérité, Jaurès ce n ‘était pas l’Allemagne, Jaurès c’était l’Europe. Son combat pour la paix sur le Vieux Continent contre vents et marrées en est la preuve éclatante.
Les socialistes ne font pas honneur à Jaurès
Ils avaient beau prononcer des déclarations larmoyantes à l’annonce de la mort de Jean Jaurès, les députés Socialistes non seulement avaient renoncé à s’opposer au déclenchement du conflit de 14-18 – ils auraient dû se révolter contre le gouvernement s’ils étaient sincères – mais en plus ils avaient voté les crédits de guerre et s’étaient ralliés au gouvernement d’« Union sacrée » (Jules Guesde, Marcel Sembat,…). Les socialistes ont donc été complices de la Grande Guerre et de la ruine de l’Europe ; et en ce sens ne méritent pas d’utiliser Jean Jaurès comme icône de la gauche. Un siècle plus tard, on ne les entends toujours peu pour le maintient de la paix en Europe alors que les USA tentent de pousser la France contre la Russie. Il vrai que pour chanter la paix, les socialistes sont de vrais stars, mais pour agir concrètement afin de la préserver, ils désertent les rangs.
Par ailleurs, à l’inverse des socialistes actuels, Jean Jaurès n’était pas un adepte du multiculturalisme : « Je n’ai jamais été un partisan bien vif des idées et des principes du cosmopolitisme. Ils ont quelques chose de trop vague, de trop idéal, malgré certains côtés brillants et spéciaux, je crois que leur effet le plus certain est d’effacer ou de trop amoindrir l’amour de la Patrie et le devoir de la responsabilité civique », expliquait-il dans une lettre au Congrès de la Paix de Lausanne.
Les Identitaires, dignes héritiers
Le socialisme n’a pas le monopole de Jean Jaurès. Sur l’échiquier politique français, le mouvement identitaire, que l’on peut classer à gauche du Front National, peut tout à fait revendiquer la mémoire de Jean Jaurès. « Nous ne sommes pas des nationalistes, […], le nationalisme a été le drame de l’Europe », a précisé Fabrice Robert, président du Bloc Identitaire, dans un discours lors de la Convention identitaire d’Orange de 2009. « Il suffit pour s’en convaincre de voir le résultat des deux guerres civiles qui ont saignés l’Europe au cours du siècle dernier »(1). Jean Jaurès, un défenseur de la paix intérieure de l’Europe a été assassiné par Raoul Villain, un nationaliste Français, répète-on le. Pour autant, les Identitaires ne sont absolument pas contre la nation Française, bien au contraire, mais pour une identité à trois niveaux complémentaires : la région, la nation et l’Europe. Seule solution pour se prémunir contre les accès de fièvre nationaliste et d’empêcher de nouvelles « guerres civiles européennes ».
Les Identitaires militent également activement pour créer une puissance européenne sous le signe du lambda, c’est à dire pour déplacer le nationalisme « national » vers un nationalisme « européen », garantie supplémentaire du maintient de la paix en Europe. Jean Jaurès aurait sans aucun doute approuvé cela.
Julien Fortezza
Photo Une : monument de Jean Jaurès à Carmaux, sculpture de Gabriel Pech. Crédit : Touriste via Wikipédia (cc).
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Notes :
1) Déclaration de Fabrice Robert rapportée dans le livre Apéro saucisson-pinard paru aux éditions Xenia.