Notre-Dame-des-Landes : un combat identitaire – par Guillaume Le Carbonel

7 juillet 2014 | France, Politique, Société

07/07/2014 – NOTRE-DAME-DES-LANDES (NOVOpress)
Au lendemain du grand rassemblement d’opposition au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (festival L’abandon c’est maintenant !), il convient de s’interroger sur l’absence totale sur ce terrain de radicaux identitaires. Pour les uns comme pour les autres, il apparaît clairement que nous n’avons pas su prendre la mesure de ce qui est en train de se passer là bas. Et pourtant, au risque de heurter quelques sensibilités, il nous faut comprendre que ce combat est aussi et avant tout le nôtre.

Certes, de vieilles barbes nationales-réactionnaires n’hésiteront pas à taper du point sur la table en dénonçant cet engagement « écolo-gauchiste ». Ces gens ont tort. Ils se trompent à la foi de combat et d’époque. Nous l’avons déjà écrit dans ces colonnes et nous le répétons : la lutte identitaire ne peut s’inscrire que dans un projet de sortie du capitalisme qui est intrinsèquement ethnocidaire. Un projet cohérent de contre-société ne peut faire l’impasse sur le mouvement décroissant et sa proposition de rompre avec la société de croissance illimitée.

Or, qu’avons-nous vu et entendu ce week end autour des stands installés près de la ferme de Bellevue ? Quelques pancartes intitulées : « Des légumes pas du bitume », « Aéroport = capitalisme. Arrêt immédiat », « Quelle terre vont-ils nous laisser ? », « T’es rien sans terre ! » ou encore « Changeons de voix, changeons de voie ! ». Autant de slogans que nous pourrions reprendre à notre compte. Dominique Fresneau, l’un des co-présidents de l’Acipa (Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes) clame à qui veut l’entendre : « Cet endroit, ces champs, ces fermes, on considère que c’est chez nous !»

Les militants qui occupent depuis novembre 2012 la fameuse ZAD (Zone à défendre) parlent de « vivre plus en osmose avec la nature, de moins consommer et gaspiller ». Au sein des campements autogérés existe une bibliothèque installée dans un vieux bus qui regroupe tout un tas d’ouvrages traitant de l’histoire de la paysannerie, des luttes sociales ainsi que des manuels pratiques de jardinage et d’habitat. Une cantine collective offre des repas gratuits. On y parle d’autonomie, de défense de territoire et de nouvelles manières d’organiser les rapports humains. On cherche à « profiter d’espaces laissés à l’abandon pour apprendre à vivre ensemble, à cultiver la terre, à être plus autonomes vis à vis du système capitaliste ». « Nous ne sommes pas à vendre, nous ne laisserons pas détruire le fruit du travail de cinq générations de paysans. La lutte continue », écrit Sylvain Fresneau de l’Acipa. Au nouvel ordre mondial ils opposent le nouvel ordre local.

Ce qui se passe au cœur de la ZAD ne doit pas nous laisser indifférents. Lancé dans les années 60, le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes est symptomatique de l’accumulation sans limite et du développement effréné. Il s’agit de cette tentation prométhéenne de dominer et de soumettre la Nature dans le but de servir la métaphysique du progrès au détriment de la biosphère et des liens sociaux. Nous sommes précisément dans un cas de croissance pour la croissance, d’artificialisation d’un besoin qu’on nous présente comme indispensable. Le projet pharaonique de créer un aéroport gigantesque en pleine zone de biodiversité foisonnante (amphibiens, complexe bocager, mares et zones humides avec batraciens, avifaune, etc.) est tout simplement fou et criminel.

Ce n’est pas un hasard si dans cette affaire le Medef se trouve en première ligne dans les soutiens à la construction. Le président de la chambre de commerce et de l’industrie de Loire-Atlantique – Jean-François Gendron -, Richard Thieret, président du Centre national des jeunes dirigeants (CJD), ou encore Grégoire Gonnord, un des dirigeants du Club des Trente (réseau qui regroupe tous les grands patrons du Grand Ouest) et PDG du groupe Fleury-Michon, tous militent en faveur du démarrage des travaux. Certains n’hésitant pas à recourir au chantage à l’emploi.

S’opposer à cette construction c’est s’opposer au développement illimité du capital qui nous tue. Il faut le répéter : Le capitalisme s’est mué en système global et c’est sur tous les fronts que nous devons l’attaquer. A Notre-Dame-des-Landes, c’est une lutte contre le capitalisme et sa société de croissance fondée sur la démesure qui s’engage.

On objectera que parmi les occupants de la ZAD, figurent les ineffables porteurs de dreadlocks plus soucieux de solidarité avec les sans-papiers et de débats autour du monde carcéral que d’autonomie identitaire. On objectera aussi qu’on y trouve des casseurs décérébrés de la mouvance Black Bloc qui n’ont pour horizon politique que de « casser du flic et des vitrines ».Il n’est pas question ici de le nier. Mais parmi tous les autres, il se trouve également des militants pour qui le capitalisme mondialisé est l’ennemi numéro un et avec qui nous pourrions sans aucun doute définir des convergences de luttes. Il y a là bas de véritables travailleurs qui cherchent une alternative viable à la société de consommation et tentent une nouvelle expérience du « vivre ensemble ». Il y a également de jeunes agriculteurs qui ont fait le choix de rester sur les terres de leurs parents. La récupération des terres arrachées aux promoteurs par ces autonomistes est probablement le début d’une nouvelle forme de militantisme dont il faudra suivre les évolutions.

Nous sommes entrés dans une nouvelle ère du combat politique qui va nécessiter de nouveaux rapprochements. La révolution de la décroissance est une révolution par le bas, à l’échelon local, au sein de communautés autonomes pour qui il existe des convergences d’intérêts et de luttes. « Je suis prêt à manifester contre l’aéroport Notre-Dame-des-Landes y compris avec des gens d’extrême droite. Nous n’avons pas forcément les mêmes alliés pour chaque bataille mais nous avons un cap, un horizon de sens », avouait Serge Latouche lors d’une conférence donnée en janvier 2014 à la Médiathèque de Tarentaize à Saint-Etienne.

Le défi est lancé.

Guillaume Le Carbonel

Photo Une : Panneau anti-aéroport de Notre-Dame-des-Landes dans les marais salants de Guérande. Crédit : Romain Bréget via Wikipédia (cc).

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