01/01/2014 – 11h00
PARIS (NOVOpress) – À l’occasion des fêtes de fin d’année, les rédacteurs de Novopress vous proposent de découvrir une sélection de livres à travers des extraits choisis. Aujourd’hui, nous vous proposons un extrait d’un livre de Dominique Venner, que l’on ne présente plus, Le Siècle de 1914. Note de l’éditeur : La guerre de 1914 fut l’événement fondateur du XXème siècle. Après avoir tué neuf millions d’hommes, cette guerre liquida les trois empires et les aristocraties qui charpentaient l’Europe. De ce séisme, tout le reste a procédé : de terribles colères et d’immenses espoirs, la montée des utopies révolutionnaires et l’avènement de régimes nouveaux, puis une Seconde Guerre mondiale plus destructrice encore que la Première. Elle engendra le déclin de l’Europe, la décolonisation, la destruction de la sociabilité européenne, l’américanisation des mœurs, l’immigration et le terrorisme. Après 1918, sur les décombres de l’ancienne Europe, quatre figures, le président américain Wilson, Lénine, Mussolini et Hitler ont incarné les grandes utopies du XXème siècle. Ils sont à l’origine de la lutte sans merci de quatre systèmes rivaux. De celle-ci, qui occupa une large partie du siècle, est issu le monde dans lequel nous vivons. Ce livre analyse les idéologies et leur influence sur le comportement des hommes et le déroulement de l’histoire. Dominique Venner décrit la genèse et la succession des luttes mortelles qui prirent leur source dans le conflit de l’été 1914 et dont le libéralisme américain est sorti vainqueur. Pour combien de temps ? Sur cette question, l’auteur avance des hypothèses originales.
Dans le monde des affaires, les personnes qui ont intégré la mentalité transnationale et cosmopolite ont de meilleures chances de faire carrière que celles qui se sentent des attaches nationales. Par un effet d’hétérotélie (Hétérotélie ou paradoxe des conséquences : opposition entre les intentions et le résultat de l’action historique), les Américains, acteurs de cette globalisation, en sont aussi en partie les victimes. Ayant adopté la mentalité transnationale, leurs élites se sont dénationalisées elles aussi et sont devenues cosmocratiques, réalisant en quelque sorte l’utopie wilsonienne.
La cosmocratie fabrique l’homo œconomicus de l’avenir, le zombi, l’homme nouveau, vidé de contenu, possédé par l’esprit du marché (Montcorbier). Le zombi se multiplie sous nos yeux. Il est apparemment heureux. « L’esprit du marché lui souffle que le bonheur consiste à satisfaire tous ses désirs. » Et ses désirs étant ceux du marché ne sont suscités que pour être satisfaits. Le zombi est heureux tant qu’il ne pense pas et ne souffre pas. S’il pense, ce n’est plus un zombi.
Une revanche populiste sur Mai 68
Pour assurer l’emprise cosmocratique, l’un de ses instruments privilégiés est l’exploitation du sentiment de culpabilité collective des Européens et de leur penchant compassionnel provenant de leur héritage chrétien. La « victimologie » est devenue le système de légitimation d’une société peu légitime. Pour faire oublier ce qu’elle a de contestable, elle s’instaure en tribunal permanent d’un passé criminalisé. Ainsi fait-elle coup double. Dénonçant les crimes du passé ou ceux de dictatures exotiques, elle s’attribue à bon compte un brevet de moralité. Par comparaison elle suggère que, malgré sa corruption et ses tares, elle est quand même la plus morale et la meilleure.
Comme se manifestent cependant des résistances appelées « populismes » dans la novlangue cosmocratique, le trait de génie fut d’utiliser les anciens communistes, les ex-soixante-huitards et leurs successeurs, recyclés dans la glorification du marché ou de l’altermondialisme version archéo-gauchiste. Ils fournissent le clergé inquisitorial de la religion de l’Humanité, ce nouvel opium du peuple dont le foot charpente les grand-messes. C’est une religion qui a ses tables de la loi avec les droits de l’homme, autrement dit les droits du zombi (Montcorbier). Elle a ses dogmes et ses bras séculiers. Elle pourchasse le Mal : être différents, cultiver l’esprit critique ou ne pas être dupe de l’humanisme moralisateur.
Pourtant au tournant du nouveau siècle, des signes se sont accumulés qui montrent l’effritement du système, ses difficultés à faire accepter la pensée unique qu’il sécrète. En France plusieurs alertes ont retenue l’attention des observateurs, fussent-ils de parti pris. Ce fut par exemple le « séisme » de l’élection présidentielle du 21 avril 2002 qui a vu l’élimination du premier ministre socialiste, favori des médias, devancé par un candidat « populiste », objet de nombreuses campagnes diffamatoire, dont les médias annonçaient depuis vingt ans la disparition imminente. Ce fut aussi le choc du référendum du 29 mai 2005 sur la Constitution européenne. Alors que la quasi-totalité des médias avaient fait campagne en faveur du « oui », répétant que les partisans du « non » ne pouvaient être que des demeurés, le « non » l’a emporté contre toute attente avec 55% des suffrages. À la suite de quoi, sous l’effet du traumatisme, un journaliste proche du système se livra à une analyse pertinente qui vaut d’être cité comme jalon dans l’appréciation de l’époque :
« La rébellion du 29 mai 2005, écrivait-il, est peut être la revanche sur celle de Mai 1968. Dans les années 1970 et 1980, les soixante-huitards, leurs clones ou leurs disciples (…) prirent le pouvoir dans les médias, la culture, la pub, la politique, puis bientôt dans la sphère économique et financière. Inutile de préciser qu’à mesure que leur sort s’améliorait (…), leur idéologie première se lézardait jusqu’à laisser place à un ralliement quasi total, au nom de la modernité (et même de l’internationalisme), au dogme du mondialisme néo-libéral.
« Basculement dans l’autre camp ? Non, puisque cette conversion à l’économie de marché se doublait d’une rhétorique de fidélité à l’activisme soixante-huitard en ce qui concerne les mœurs et le sociétal : liberté pour la circulation des capitaux et du cannabis ! Baisse du coût du travail, mais mariage gay ! Film porno sur chaîne privatisée !
« Aucune contradiction, poursuit l’analyste en plaidant en faveur d’une immigration totalement libre et en dénonçant comme « sécuritaire », c’est à dire quasiment « fasciste », toute velléité de durcissement de la lutte contre la délinquance ou le crime, on peinturlurait d’une couche de laque gauchiste un propos qui ne pouvait que séduire un ultracapitalisme moderne et radicalement insécuritaire et à la recherche de main-d’œuvre bon marché. »
Dominique Venner, Le Siècle de 1914. Pygmalion Éditions (2006). Acheter sur Amazon.