Certains la redoutaient dans les rangs de l’UMP. Rue de Solferino, on espérait enfin une bonne nouvelle. Tandis qu’à Nanterre, des conseillers de la présidente du FN attendaient une étude validant leurs orientations (tactiques, pas sexuelles) du printemps dernier. Patatras : le focus publié par l’institut de sondages Ifop concernant les positions (politiques, pas sexuelles) des gays, bi, etc., ne révèle… pas grand-chose [à part une nette poussée du Front National].
La gauche en général, et le PS en particulier, auraient pu s’attendre à être les principaux bénéficiaires du « mariage pour tous ». Autant dire que certains ont dû se sentir un peu cocus en découvrant les résultats de l’enquête menée par l’Ifop.
Alors que le comportement face aux protestations contre la loi Taubira, mais aussi la focalisation sur un sujet jugé secondaire par un grand nombre d’électeurs de gauche, ont sans doute coûté des plumes (et des voix) au gouvernement, le PS n’en retire pas d’avantage particulier auprès des électeurs se déclarant gays, bi ou lesbiennes, même s’il reste en tête dans cet électorat à 27 %. On peut simplement observer une moindre érosion que celle constatée dans le reste de la population en comparaison avec avril 2012, atténuation qui peut d’ailleurs trouver d’autres explications que la promulgation de la loi (notamment le caractère plus urbain, plus diplômé et plus aisé d’une bonne partie des électeurs en question).
Les gays portent de plus en plus à droite
A droite, certains pensaient que l’intense mobilisation de quelques élus contre la loi Taubira allait coûter des précieuses voix arc-en-ciel à l’UMP. En réalité, avec 21 % d’homosexuels ou bisexuels se déclarant proches d’un parti de droite, le résultat est sensiblement similaire à celui d’avril 2012. On constate même, à droite toujours, une plus faible perte entre avril 2012 et octobre 2013 que parmi les électeurs hétéros (avec une légère bascule de l’UMP vers l’UDI pouvant peut-être s’apparenter, à la marge, aux prises de position plus nuancées sur le sujet).
Enfin, du côté du FN, la courbe de progression chez les électeurs se déclarant homos ou bi est sensiblement similaire à celle constatée par l’Ifop chez les électeurs hétérosexuels, avec une augmentation de 5 % depuis avril 2012 (pour arriver à 15 % de gays, bi ou lesbiennes proches du FN). La position ambiguë du parti et de Marine Le Pen (celle-ci se disant opposée à la loi et prête à l’abolir mais refusant d’aller défiler, alors que d’autres responsables et élus et en particulier sa nièce Marion Maréchal-Le Pen se sont investis dans les manifestations) n’ont eu semble-t-il, là encore, qu’un impact assez faible sur cet électorat dont on constate une sensibilité de plus en plus évidente aux propositions frontistes. Le nombre d’homosexuels, plus ou moins assumés, investis par le parti pour les élections municipales en atteste clairement.
Finalement, ce que nous révèle cette étude, c’est tout simplement que les préférences sexuelles d’une personne ne seraient pas constitutives d’un choix politique. Une femme qui s’endort à côté d’une femme (même si elle l’a rencontrée dans une soirée « goudou » en boîte) pourrait donc voter à droite pour des raisons économiques ? Un homme qui se réveille à côté d’un homme (même s’il a dansé en combinaison de cuir sur un char de la Gay Pride) pourrait donc voter FN parce qu’il en a assez de l’immigration ? Voilà de quoi déconcerter certains observateurs.
Ce que défendent les fous furieux qui animent ce lobby LGBT c’est avant tout la déconstruction du modèle familial traditionnel, et le fait qu’ils aient été rejoints dans leurs rassemblements les plus provocateurs (notamment ceux prenant pour cible les Veilleurs pacifiques) par des militants d’extrême gauche ressemble fort à un aveu. Les revendications du lobby sont en réalité totalement déconnectées des préoccupations de la majorité des lesbiennes, gays, bi et trans en question qui – et c’est toute la leçon de cette enquête Ifop – ne semblent pas faire de la question du « mariage pour tous » le déterminant central de leurs choix électoraux.
Finalement, les sujets selon lesquels la plupart des homosexuels, des lesbiennes ou des bisexuels se positionnent politiquement sont sans doute les mêmes que tous les autres Français.
S’il est vrai que François Hollande doit sa victoire à l’électorat musulman, le résultat de cette enquête vient néanmoins porter un sacré coup à la stratégie promue par le think-tank socialiste Terra Nova. Une théorie fumeuse selon laquelle l’ingénieur gay issu de la petite bourgeoisie de province et l’islamo-racaille (pas franchement « gay friendly ») d’Argenteuil devraient se sentir forcément des intérêts communs, comme minorité opprimée, et constitueraient de par ce fait le nouveau socle électoral du PS, le populo franchouillard étant manifestement parti vers d’autres cieux électoraux.
Une sorte de vision intellectualisée des techniques de segmentation de l’électorat (« Les gays représentent 1 % de la population, et je dois donc conquérir ces 1 % ») et du vilain clientélisme que nombre d’élus locaux, de gauche comme de droite, utilisent à outrance (« Et j’en fais un peu pour les vieux, un petit truc pour les Arméniens, et puis un coup par là pour les handicapés, et une déclaration pour les gays… »). La gauche va donc devoir comprendre que sa bouée de sauvetage sociétale est manifestement percée. C’est fort malheureux, car il ne lui restait pas grand-chose d’autre. Le moustachu type Village People n’ayant pas fonctionné, on doute que la moustachue Leonarda marche davantage.
Si cette enquête d’opinion peut au moins servir à faire réfléchir et à réhabiliter un tant soit peu chez nos politiques l’idée de bien commun ou d’intérêt général, alors la grotesque séquence politique que les socialistes nous ont imposée n’aura pas été totalement inutile.
Lionel Humbert
Article de l’hebdomadaire “Minute” du 30 octobre 2013, reproduit avec son aimable autorisation. Minute disponible en kiosque ou sur Internet.
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