Tous les deux jours, un agriculteur se suicide en France

12 octobre 2013 | Santé

12/10/2013 – 12h30
PARIS (NOVOpress) –
Tous les deux jours, un agriculteur se suicide en France. Tel est le terrible constat de l’enquête conduite par l’Institut national de veille sanitaire, consacrée aux suicides dans le monde agricole et dont les résultats ont été rendus publics cette semaine. Le suicide constitue ainsi la troisième cause de mortalité après les cancers et les maladies cardiovasculaires dans le monde agricole. Alors que l’on a fait grand cas des suicides qui touchent les salariés de France Telecom ou de Pôle Emploi, les mêmes situations tragiques dans nos campagnes se font loin des médias, silencieusement, sans émoi ni indignation des politiques, dans l’indifférence générale. Pourtant, selon une précédente étude de l’Institut de veille sanitaire réalisée en 2011, les agriculteurs exploitants sont les plus touchés par les décès par suicide, avec un « risque relatif »  3,1 fois supérieur à celui des cadres (2,2 fois plus élevé pour les femmes).

Un raisonnement économique est avancé pour expliquer ce phénomène :  certains agriculteurs ont vu leur revenu fondre de 20 à 50 % ces dix dernières années – des baisses à l’origine de niveaux de stress très élevés. Le phénomène pourrait s’accentuer : un portrait social des agriculteurs à l’horizon 2020, récemment établi par le centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture, montre que la prolifération des réglementations, en matière d’hygiène, de sécurité alimentaire, d’environnement et le souci croissant de la traçabilité notamment, sont susceptibles d’engendrer encore plus de stress dans les années à venir, tout comme les variations de plus en plus fortes des revenus, en lien avec la volatilité des prix agricoles, engendrée par la dérégulation des prix voulue par l’OMC et l’Union Européenne qui transforme les paysans en nouveaux serfs…

L’isolement des agriculteurs est aussi mis en avant dans des campagnes où les fermes se raréfient d’année en année. La France a ainsi perdu un quart de ses exploitations en dix ans (3 à 5 fermes disparaissent toutes les deux heures…). Un isolement qui engendre la solitude mais aussi le célibat forcé. Les femmes européennes refusant désormais de partager leur vie avec un agriculteur.

Mais ce phénomène suicidaire repose aussi sur une crise identitaire : le monde paysan perd peu à peu son identité, le paysan, représentant autrefois l’essence même du peuple français, est devenu un agriculteur puis un exploitant agricole… Ils vivent désormais en marge, voire rejetés des populations « rurbaines » qui ont remplacés les anciennes communautés villageoises. Bien souvent, avec l’assentiment de ceux qui furent autrefois les « jardiniers du paysage », les haies ont été arrachées, les chemins millénaires ont disparu pour gagner encore un peu de « S.A.U. », les ruisseaux et les sources enchantées ont disparu sous terre dans des buses de béton. Les fermes basses cachées dans le bocage, enracinées dans les multiples terroirs des campagnes de France sont désormais défigurées,  laissant la place aux hangars de tôle et aux silos de béton de kolkhozes sans âme au service des firmes agroalimentaires et de la grande distribution…

Crédit photo : NightThree, via Wikipédia, (cc).

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