Qui ratissera Marseille ?

12 septembre 2013 | France, Médias, Politique, Société

Record de sous-effectifs. Chiffres bidonnés. Etat défaillant. Mairie qui se défile. Après l’assassinat du fils du directeur sportif de l’OM, la préfecture annonce une « table ronde » [qui a eu lieu sans arriver à des mesures concrètes] et Manuel Valls promet un « pacte national ». Des mots, des morts et des maux, bienvenue à Marseille !

Manuel Valls a le sens de l’humour: s’il y a plus d’assassinats à Marseille, ce serait grâce à la police! A force de mettre la pression aux voyous, ceux-ci finiraient par s’entretuer. Ben voyons! Car ce n’est pas d’hier que l’on tue à Marseille. 12 meurtres en 2011. 25 en 2012. Avec 15 cadavres au compteur en huit mois, 2013 s’annonce d’ores et déjà comme un bon millésime. Et les voyous ne sont pas les seuls à mourir. Hélas.

La nuit, les poulets restent à l’abri

Marseille est une ville compliquée. Cinq fois plus étendue que sa rivale Lyon. Une ville coupée en deux. Une plaque tectonique invisible a fait se détacher, au fil des ans, les quartiers nord qui dérivent, loin des regards des quartiers sud. Immigration. Communautarisme. Trafics en tout genre. « Marseille, c’est l’avenir de la France » a averti, en août Eric Zemmour. C’est aussi le fruit de son passé : déni de réalité, mensonge du « métissage » qui « enrichit », lâcheté des élites…

Au premier rang des responsables, Jean-Claude Gaudin, maire depuis dix-huit ans. Son credo: la lutte contre la délinquance n’est pas son problème. C’est l’affaire de l’Etat. Selon le statut des collectivités, il a raison. L’Etat jacobin a toujours jalousement veillé à ne pas laisser se développer des forces qu’il ne contrôlerait pas.

Mais au regard de l’attente des Marseillais, le maire de Marseille a tort. En effet, contrairement à lui, dans de nombreuses villes de France, des maires ont pris le relais de l’Etat. Des polices municipales fortes et actives ont été mises en place. Tout n’a pas été réglé mais le combat est mené.

A quelques mois de l’élection municipale, et malgré la mort du jeu ne Jérémie, égorgé le 9 août en plein centre-ville, Gaudin continue de s’accrocher à son alibi. Agir aujourd’hui serait avouer qu’il a trop tardé.

Rien d’étonnant alors à ce que le site de la ville de Marseille présente encore ainsi les missions de sa police municipale: « Il s’agit particulièrement d’assurer la sécurité et la tranquillité publique sur les marchés, lors des manifestations festives, culturelles ou sportives, pour les tournages de films, à l’Hôtel de Ville pendant les visites protocolaires […] La police municipale est également habilitée à verbaliser les infractions au code de la route. » Etals de poissons, Plus Belle la vie, hall de la mairie, voitures mal garées…

Au vu de ces missions de combat, est-il bien utile d’augmenter le nombre de policiers municipaux? De 250 en 2008, ils sont passés à 315. Jean-Claude Gaudin en annonce 20 de plus avant la fin de l’année. Et 100 supplémentaires à l’été 2014. Après l’élection. Au total, cela ferait 435 agents. Un sous-effectif à l’échelle d’une ville de 850000 habitants. La moyenne régionale est de 7,7 policiers municipaux pour 10000 habitants. Marseille n’en serait qu’à 5,1…

Et puis 435 agents, cela veut dire, concrètement, seulement une grosse centaine sur le terrain. Les autres étant de repos, en vacances, en formation, en maladie, dans les bureaux, derrière les caméras ou à la mairie en train de veiller sur les petits fours lors d’une visite protocolaire. Et encore, seulement le jour ! Car la police de Gaudin est interdite de sortie la nuit. Trop dangereux. Comme l’expliquait benoitement en 2008 le maire: « La police n’est pas armée, c’est pour cela qu’elle ne peut pas patrouiller de nuit. » Et qui a le pouvoir de l’armer, monsieur le maire?

La solution est dans Vladimir Volkoff

Côté Etat, ce n’est pas mieux. Les services de Manuel Valls annonçaient en août à l’AFP un total de 3500 policiers et autres CRS. Hélas pour les socialistes, la Cour des comptes, dans un rapport de 2011, laisse entrevoir une réalité très différente. En 2010, Marseille comptabilisait 2650 fonctionnaires de police. Comment pourrait-elle en compter 850 de plus, trois ans plus tard, alors que Manuel Valls annonce en avoir envoyé, depuis 2012, 230 et que le méchant Nicolas Sarkozy est censé en avoir enlevé, lui, 250?

Un point sur lequel mairie et Etat sont, enfin, d’accord: la multiplication des caméras de vidéosurveillance. Il y en a actuellement 240, principalement dans le centre ville. 100 supplémentaires devraient être installées à l’automne. Valls avait pro mis, en février dernier, « 1000 caméras de plus en 2014 ». Au vu des derniers chiffres, il semble que ce soit 1000 en tout et pour tout. Pour un coût estimé à 9 millions d’euros, dont un peu plus d’un tiers payé par l’Etat.

Mais des policiers et des caméras pour faire quoi ? Un « pacte national », comme l’annonce Manuel Valls ? Une guerre aux trafiquants de drogue, annoncée en son temps déjà par un précédent ministre de l’Intérieur qui voulait, lui aussi, devenir président de la République? Tout miser sur la prévention, comme le souhaite le candidat aux primaires socialistes Patrick Mennucci ? Lui qui, en 2008, déclarait: « Il faut que la police municipale soit mieux organisée pour s’occuper avant tout de ses missions comme le respect des couloirs de bus et d’aider le Samu social sur le terrain. »

Plus certainement, rien. Marseille est une ville où l’on cherche en vain une autorité. L’Etat ne commande plus sur le terrain. Une situation qui fait songer au roman de Vladimir Volkoff, Le Bouclage. Dans une ville de Méditerranée, un quartier a été abandonné à la racaille. L’Etat n’y entre plus. La population subit la misère et la peur. Un jour survient un gouverneur. Il ose l’impensable. Il boucle la ville pourrie et la passe au peigne fin, séparant les voyous, en jogging ou portant costume, des braves gens. Définitivement. Qui bouclera Marseille ?

Yves Theurin

Article de l’hebdomadaire “Minute” du 11 septembre 2013 reproduit avec son aimable autorisation. Minute disponible en kiosque ou sur Internet.

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