09/09/13 – 11h00
ROME (NOVOpress) – La mort volontaire de Dominique Venner (photo) a eu un grand retentissement en Italie, notamment dans les milieux non-conformistes et ceux de la droite radicale et sociale. Après l’hommage visuel rendu par Casapound Italia avec l’affichage dans 50 villes de bannières clamant « Honneur à Dominique Venner », c’est au tour d’Adriano Scianca, journaliste, écrivain et responsable culturel de l’association de revenir sur cet événement au travers de l’évocation du dernier ouvrage de Dominique Venner. Cet article, initialement paru dans le quotidien italien Il Foglio, a été traduit à l’attention des lecteurs de Novopress.
Le livre-testament du samouraï Venner au solstice de l’hiver européen
“Ce peuple pourra se forger un destin s’il est d’abord capable de provoquer en soi une résonance” disait Martin Heidegger en 1935. “Ce bréviaire a été écrit par un européen pour les européens […]. C’est un peu le livre de leur destin particulier au sein de l’univers“, répond Dominique Venner quelques décennies plus tard. C’est de nouveau, justement, une question de résonance. En physique, le son se transmet lorsqu’un médium propage les oscillations: si je jette une pierre dans un puits, j’en entendrai l’écho grâce a l’air que remplit l’espace entre la pierre et moi. Dans le vide, on entendrait seulement la réverbération insupportable du néant. Dans le cas de Venner, le médium c’est l’Europe. Une certaine façon d’être, de vivre, d’aimer, de combattre et de mourir. Si tout ceci a un sens, si cela nous dit quelque chose c’est que nous sommes parvenus a activer en nous une résonance. Comme la pierre dans le puits. Comme un coup de feu dans la nef d’une cathédrale.” Un samouraï d’Occident” ( ) , le livre-testament de Venner, est aussi en quelque sorte l’ écho de cette détonation qui le 21 Mai 2013 a à peine dérangé Saint Michel et Satan, absorbés comme ils le sont depuis huit cents ans a peser les âmes des damnés et des bienheureux sur le bas relief frontal de Notre-Dame de Paris. Alain de Benoist l’a écrit ” On ne peut pas aborder “Le samourai d’Occident” comme n’importe quel livre […].
Dominique Venner a terminé l’écriture de ce livre durant le solstice 2012. A ce moment là il savait, et déjà depuis longtemps, qu’il aller se donner la mort” Ce n’est toutefois pas un blasphème que de chercher a raconter ce que cet intellectuel (qui dans l’exégèse de Barbara Spinelli – à chaud – “n’est pas précisément un intellectuel” même si l’éditorialiste de la Repubblica ajoutait que ” du peu qu’elle sache” Venner aurait “écrit des textes” – une cinquantaine pour être exact) a cherché à nous dire dans ses dernières paroles sur terre a travers l’évocation de figures exemplaires: du chevalier de Dürer a l’impératrice Michiko, de Maurras, jeune et encore païen aux héros de Homère, de l’anonyme héroïne stoïque violée a Berlin par la soldatesque soviétique à Caton d’Utique. Il est difficile, en réalité, d’expliquer quel est le fil conducteur qui unit ces personnages dans ce livre surplombé par l’écho d’une mort volontaire et pourtant serein et voir même optimiste. Tout le texte est en fait tourné vers le futur, vers les européens à venir et leur réveil spirituel dont Venner ne doute pas un instant. D’où la nécessite d’un bréviaire, qui justement fournit des représentations didascaliques didactiques mêmes, au travers d’exemples de ce que nous avons été et de ce nous devrions être. Aucun programme politique, je vous prie. “Que faire? Paraphrasant une formule célèbre, ‘la politique d’abord’, pour ma part je dirais :”d’abord la mystique”. Quelle mystique? Celle du clan évidemment, des sources et des origines, en somme de notre tradition et de notre identité”
Alain Finkelielkraut a un jour declaré dans Le Monde: ” pour ne plus exclure qui que ce soit, l’Europe devait se défaire d’elle-même, se “désoriginer”, ne garder de son héritage que l’universalité des droits de l’homme. Tel est le secret de l’Europe. Nous ne sommes rien“. Pour répondre a cette prophétie d’auto-extermination, Venner déploie toute sa culture historique, retrouvant dans le passé, réel ou littéraire, les énergies assoupies, les germes de la renaissance, les figures exemplaires qui nous disent qu’au contraire nous sommes “quelque chose” et c’est cette “chose” qui doit, sous des formes nouvelles, revivre. Ce qu’il n’y a pas au contraire dans le livre est l’appel agressif a la haine, au ressentiment, à la rancoeur. La première page s’ouvre même avec l’image sordide du néo-esclavagisme qui importe dans nos villes une main d’oeuvre salariée sous-payée en provenance d’Afrique noir, du Maghreb, de Turquie ou d’Inde. Une humanité misérable pour laquelle Venner affirme qu’il pourrait même exprimer de la pitié, “s’il restait en moi une réserve de compassion”. L’identité est du reste un principe qui doit être défendu en soi, non pour soi: “Je tiens a dire que je justifie et soutiendrai toujours le droit fondamental de tous les autres être humains à posséder sa propre patrie, sa propre culture, un enracinement qui permet d’être soi-même, chez soi et de ne plus être rien. Mais c’est aussi pour cela que je m’insurge contre ce qui me nie”. Une fois encore, la première tranchée de ce combat n’est pas politique, elle est existentielle. Ainsi ce qui compte c’est de donner un exemple de tenue éthique et esthétique: “Ne pas pleurer, conserver pour soi les peines, ne pas révéler ses sentiments, ses humeurs, ses états d’âme, ses douleurs affectives ou gastriques. S’empêcher de parler d’argent, de santé, de coeur et de sexe. l’exact contraire de ce qui se voit chez le coiffeur ou chez les psychologues”. Etre fidèles à une telle consigne, pour nous habitants de basse postmodernité, devient chaque jour plus ardu. Essayer en vaut quand même la peine. Pour être quelque chose. Pour ne pas être rien.
Adriano Scianca
Crédit photo. DR.