14/07/2013 – 13h10
NIMES (NOVOpress) – Il n’est pas facile aujourd’hui de parler de corrida. Les adversaires de cet art sont extrêmement nombreux et leurs arguments, bien établis, sont souvent recevables. La corrida n’est-elle pas barbare puisqu’il s’agit de faire souffrir puis de tuer un animal innocent, animal qui souffre avec l’accent du Languedoc en se demandant si ce monde est sérieux ? Hélas, oui : ce monde est sérieux et bien trop…
Je ne prétends pas que le taureau ne souffre pas ; il est évident que tout être vivant est susceptible de ressentir la douleur, la souffrance. La souffrance n’est pas réservée aux hommes. Mais que le taureau ait les mêmes états d’âme qu’un homme, qu’on me permette d’en douter. Le taureau est un taureau et bien malin celui qui peut savoir ce que celui-ci ressent. Certains objecteront sans doute que les animaux, comme les hommes, ont des droits. La Déclaration universelle des droits de l’animal votée en 1978 précise dans son premier article que chaque animal a le droit à la vie ? C’est ce que je dois me dire lorsque j’écrase un moustique ou une mouche… L’animal n’est … qu’animé et lui promulguer des droits est une absurdité. L’époque est mièvre et bien-pensante. Tant pis. J’aime la corrida, je la considère comme un art et cet art fait sens.
Qu’est-ce qu’une corrida ? C’est d’abord le combat d’un homme contre un taureau. Celui de Thésée contre le Minotaure fut la première corrida. De manière plus précise, plus actuelle et pour faire simple, disons qu’il s’agit du combat d’hommes, puis d’un seul homme contre un taureau, combat qui a lieu dans une arène et qui obéit à des règles spécifiques. Toutes les préparations en vue du combat final faites par le matador, le picador et enfin par les banderillos (ou peones) n’ont pas pour but de faire souffrir gratuitement le taureau, mais de l’évaluer et de le préparer pour le combat, pour le mettre en mesure de combattre. Je sais que cela est difficile à admettre pour les adversaires de la corrida, mais c’est ainsi… Il n’y a, de plus, aucune lâcheté à combattre ainsi un taureau (que ceux qui le pensent aillent se mesurer à 500 kg de muscles !) ; taureau qui, rappelons-le, est un taureau de combat dont l’espèce a été créée à cette fin. Et de même que la finalité du marteau est de planter des clous, celle du taureau de combat est de combattre.
Venons-en maintenant à ce qui fait sens dans la corrida. Le lieu du combat l’arène, de par sa forme sphérique, symbolise le cosmos dans lequel se déroule le combat entre l’homme, dans son habit de lumière, contre le taureau. Il s’agit du combat de la culture (technique, beauté) contre la violence naturelle, violence qu’il est difficile de contenir, contre laquelle l’homme, grâce à son habileté, son intelligence, sa maîtrise, sort vainqueur la plupart du temps. Plus fondamentalement encore, ce combat peut symboliser le combat intérieur de l’homme contre lui-même, le combat de la belle apparence apollinienne contre les instincts dionysiaques qui l’assaillent sans cesse. N’oublions pas que le taureau dans toutes les civilisations est le symbole de la virilité. Il faut tuer la bête en nous afin de s’élever spirituellement.
Dans le midi taurin, la corrida fait intégralement partie des cultures locales et enracinées, la passion des Taureaux à des racines plus profondes qu’en Espagne. Montherlant, dans son ouvrage « Les Bestiaires », parle de l’émotion ressenti lors de ces courses et de la ferveur populaire qui les accompagnent : « A Nîmes la violente, cette Rome des Gaules, la cathédrale, l’arc d’Auguste, le cirque, où on luttait contre les cornus du temps de Suétone, portent sculptée dans leur pierre la bête magique. J’ai vu vingt mille hommes, aux arènes, acclamer le Soleil se dévêtant d’une nuée. Leurs entrailles, sinon leur esprit, savaient que depuis trente siècles elles adoraient le Soleil et le Taureau qui est un signe solaire. »
Si la corrida dure, ce n’est donc pas parce qu’il s’agit d’un jeu barbare complètement gratuit. La corrida dure parce qu’elle est fascinante, parce qu’elle nous met face à nous-mêmes, à notre propre violence, à nos antagonismes fondamentaux, constitutifs de ce que nous sommes et tout cela finit bien évident mal parce que la mort est inévitable.
Grégoire Vincent pour Novopress
Crédit photo : DR.