10/03/2013 – 17h30
ROME (NOVOpress) –Récupérer le vote anti-système qui, aux législatives des 24 et 25 février derniers, a donné un quart des suffrages, 108 députés et 54 sénateurs au M5S (Mouvement cinq étoiles) de Beppe Grillo : telle est l’obsession de la gauche institutionnelle rassemblée autour du Partito Democratico, l’équivalent italien du Parti Socialiste, qui voit là son unique chance de revenir au pouvoir.
Dernière manœuvre en date, un « appel à Beppe Grillo et au Mouvement cinq étoiles » lancé dans La Repubblica par les philosophes Remo Bodei et Roberta De Monticelli, l’historien d’art Tomaso Montanari, le professeur d’histoire du droit Antonio Padoa-Schioppa, l’archéologue Salvatore Settis, ancien directeur de l’École Normale Supérieure de Pise, l’écrivain et journaliste Barbara Spinelli. 23.000 personnes l’ont d’ores et déjà signé en ligne. Il faut dire qu’il est sans risque.
Les signataires reconnaissent « qu’il est difficile d’accorder sa confiance à des candidats au poste de premier ministre et à des gouvernements qui incluent des partis qui, depuis près de vingt ans, ont fait des promesses qu’ils n’ont pas tenues, ont adhéré à des politiques qui n’ont pas restauré la démocratie mais l’ont défaite, ont accepté une Europe entièrement concentrée sur une austérité qui – comme le rappelle le prix Nobel Joseph Stiglitz – a été dans les faits “une stratégie anti-croissance”, destructrice de l’Union européenne et de l’idéal qui la fonde ». Ils n’en appellent pas moins solennellement les grillini à « nous aider à nous libérer à présent, tout de suite, de l’époque Berlusconi ». Et ils avertissent : « dire non à un gouvernement qui ferait siens plusieurs points fondamentaux de votre bataille serait à notre avis une forme de suicide ».
Loin de se laisser impressionner, Beppe Grillo a répondu sur son blogue par une charge contre « la fonction des intellectuels ». « La fonction principale des intellectuels, a-t-il ironisé, est de lancer des pétitions. La pétition et l’intellectuel sont inséparables. Que serait de fait une pétition sans une liste d’intellectuels qui font la course pour être les premiers signataires ? »
« L’intellectuel italien, a poursuivi Grillo, est en majorité de gauche, doté de bons sentiments et avec une clairvoyance politique a posteriori. L’intellectuel n’est jamais effleuré par le doute, soutenu comme il l’est par un intellect démesuré par rapport au commun des mortels. S’il prend position, il le fait pour des motifs éthiques, moraux, humanistes selon les indications du parti ».
Grillo cite à ce propos des extraits de l’inclassable auteur-compositeur-interprète Giorgio Gaber, disparu le 1er janvier 2003, dans son monologue « Les intellectuels ».
« Les intellectuels sont rationnels
lucides, impartiaux, toujours conceptuels
ils
sont existentiels, très substantiels
superstructurels et décisionnels.
[…]
Les intellectuels font des réflexions
des
considérations pleines d’allusions
d’
allitérations, de psycho-connexions
d’
élucubrations, d’autodécisions. »
Il ne s’agit certes pas de tenter à notre tour de récupérer Grillo. Mais on ne peut s’empêcher de penser à la célèbre définition de Barrès, au chapitre II des Scènes et doctrines du nationalisme (« Les intellectuels ou logiciens de l’absolu »). « Intellectuel : individu qui se persuade que la société doit se fonder sur la logique et qui méconnaît qu’elle repose en fait sur des nécessités antérieures et peut-être étrangères à la raison individuelle ».
En tout cas, c’est encore raté pour le Partito Democratico. Il va devoir trouver autre chose.
Crédit photo : Mauro Edmundo Pedretti, via Flickr (cc).