[Tribune libre ] Rendez-nous l’amour courtois

7 février 2013 | Société

Valve de miroir : scènes courtoises, musée du Louvre.

07/02/2013 – 12h00
PARIS (via Belle et Rebelle) – Les petits garçons se drapent de costumes de chevaliers, de héros, de mousquetaires. Pourfendent à leur façon leur démon, ou tout homme qui en voudrait à sa chère mère. Armé d’une épée de bois et d’un bouclier fleur de lysé, leur tête arrivant juste aux genoux de maman, ils terrassent tout être, objet, homme, osant s’approcher de celle qui occupe tout leur petit cœur d’enfant.

Les petites filles, vêtues de grandes robes scintillantes roses ou bleues se nouent les cheveux, les agrémentant de couronnes de fleurs. Elles bavardent, discutent avec leur ours en peluche, en préparant consciencieusement le thé pour leurs « invités ». Mais de quoi discutent-elles ?

Dans le cœur de chaque petite fille, brille déjà l’image d’un gentilhomme, d’un héros, d’un chevalier venant la sauver d’une catastrophe dont seuls les enfants ont le secret, et l’imagination, pour structurer tout cela devant leurs petits yeux en un temps record.

Notre petit héros solidement préparé à cette situation par d’innombrables combats, et, une armure indestructible, n’hésite alors même pas une seconde à prendre toute sa place dans la bataille, pour sauver et se glorifier auprès de sa princesse. Il occit tout ce qu’il y a de vivant ou non qui pourrait perturber la jeune princesse. Il occit tout en rassurant la demoiselle « effrayée ».

Une fois ce lourd combat terminé, il se retourne vers la princesse pour lui faire part de sa joie d’avoir brillé à ses yeux. La princesse infiniment redevable offre un sourire, un geste bien placé de remerciement qui comblera notre preux chevalier.

Ainsi vont les cœurs des petits enfants : courtois, sensibles, généreux…

Mais les petits enfants grandissent, ils changent, ils contemplent le monde qui les entoure, ils expérimentent.

Ainsi nous retrouvons nos chevaliers et princesses de 7 ans et demi dans des mises en scène et costumes bien différents. Aujourd’hui, plus d’armures, plus de mots doux, plus de gestes attentionnés.

Aujourd’hui plus question de combattre. Plus question de transpirer, de saigner, de s’armer, pour briller aux yeux de celle qui fait battre votre cœur. Maintenant seul le résultat compte, et le résultat rapide.

La récompense tout de suite ou rien du tout !

Comme si le temps était compté. Comme si séduire était devenu ringard. Comme si la passion était devenue quelque chose de négatif.

Hier, nos parents apprenaient des poésies sur l’amour courtois à l’école. Ils regardaient les filles assises de l’autre côté de la classe avec admiration, avec des yeux d’enfants même s’ils n’en étaient plus.

Aujourd’hui, on apprend à nos enfants comment bien enfiler une capote pour ne pas risquer de donner la vie. Comme si seul le plaisir d’une nuit comptait, comme si l’amour unique ne pouvait exister.

Les scènes et paysages ont bien changé : plus de pont-levis, plus de châteaux-forts, plus de champs de batailles, plus de grand bal. Aujourd’hui l’amour ou plutôt « l’attraction vers l’autre » se montre, se prouve, dans des lieux sordides, tamisé comme pour moins bien apercevoir ce qu’il s’y passe. Des lieux où la boisson est le seul « remède » pour réussir à décrocher de sa bouche plus de deux mots à une fille venue elle aussi se perdre dans ces univers aussi étranges que sans but réel.

Les tenues ont bien changé : plus de grandes robes de princesse, plus de belles couronnes dans les cheveux, plus d’armures, plus de grands chapeaux, plus d’épées mises au service de sa douce. Aujourd’hui seule compte la chair. La tenue d’une fille se juge aux formes qu’elle laisse entrevoir et, perversion suprême, deviner-imaginer-interpréter. Il en va de même pour l’autre sexe, car il n’est plus nécessaire de l’appeler gentilhomme ou chevalier, on veut voir toujours plus, deviner encore et encore, toucher, sentir de près. De trop près…

Les enfants grandissent trop vite, et n’emportent pas avec eux les plus beaux sentiments qu’ils possèdent.

Où est passé l’amour ?

Où est passé la courtoisie ?

Où est passé le plaisir d’offrir, de se faire désirer, aimer ?

Les femmes d’aujourd’hui qui étaient les princesses d’hier se plaignent sans retenue de leurs « mecs ». Les hommes d’aujourd’hui qui étaient les chevaliers et gentilshommes d’hier insultent avec « humour » leurs « copines ».

La femme d’aujourd’hui ne se satisfait que d’un homme matériel et « bien foutu ».

L’homme d’aujourd’hui n’est guère mieux, une bonne paire de seins, une tête pas trop laide et ça « fera l’affaire ». L’homme dans ce monde en pleine course a oublié ce qui faisait de lui un grand homme. L’homme aujourd’hui a oublié que la femme n’est pas un capital coté en bourse.

Rendez-moi ces belles scènes de Roméo et de Juliette bravant tout pour se retrouver.

Rendez-moi ces femmes de chevaliers attendant fidèlement durant des années le retour de l’être aimé parti combattre.

Rendez-moi le plaisir d’un beau langage face à une jeune femme, la découverte de l’autre, la déchirure de la voir s’éloigner parce que vous savez que vous ne l’avez pas encore conquise.

Rendez-moi ce feu intérieur qui brûle tout votre être lorsque pour la première fois vous posez vos lèvres sur les siennes et que rien d’autre ne peut plus vous satisfaire.

Rendez-nous l’amour courtois !

Lorsque vous tapez amour courtois sur Internet vous pouvez tomber sur la définition suivante : façon réglementée de se comporter en présence d’une femme de qualité, dont on retrouve des traces au Moyen-Âge dans la poésie et la littérature.

Que nous faut-il de plus ?

L’homme au service de sa dame, prêtant son épée, et joutant pour elle. Rien à voir avec les portraits barbares que les livres d’aujourd’hui tentent de nous faire croire.

Bien plus qu’un amour : une passion poussant l’homme à répondre aux moindres désirs de la dame n’étant même pas encore son épouse. Amour désintéressé. Amour hors mariage, un amour chaste. Nul besoin de voir la chair pour aimer, nul besoin de mini-jupe, de décolleté, de préservatif, de pilule ! Seuls comptent alors les beaux gestes et les paroles. Ces mêmes paroles qui deviennent des armes de séduction, d’attention, de tendresse verbale. Un tourment à la fois plaisant et douloureux comme le sont les véritables amours.

Sans doute la seule drogue légale encore à ce jour et poussant les deux êtres au bien, à un seul souhait commun : une famille

Qui de vos petits copains ou copines aujourd’hui ont ce souci du bien commun ? Ringard vous dites ? Dépassé ? Démodé ?

Que dire de vos familles recomposées, que dire de vos regards sur toutes les filles et hommes « potables », que dire de vos mots envers celle ou celui que vous êtes censé aimer ?

Vous êtes ringard, dépassé, démodé !

Les codes de bonnes conduites d’aujourd’hui sont dictés, approuvés, mis en avant par la société dans laquelle nous vivons. Et quelle société mesdemoiselles, mesdames, messieurs ! Celle de la corruption, de la liberté sexuelle, des familles éclatées, de la violence, des médias. C’est de cette société en constante perturbation que vous tirez vos codes de bonnes conduites ? Qu’a construit de positif cet univers ? …

Regarder en arrière n’est pas synonyme d’échec mais d’avancée constructive.

Si nous pouvions parler d’amour courtois hier, je dirais qu’aujourd’hui nous pouvons parler d’amour cantine ! Vous n’êtes pas satisfait, prenez un autre « plat » !

Je suis un homme enfermé dans un esprit d’enfant qui rêve.

G. de L.

Crédit photo : Jastrow via Wikipédia (cc).

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