02/01/2013 — 08h00
SPIRANO (NOVOpress) — « Le premier candidat noir de la Ligue du Nord au Palais Pirelli » (le siège du Conseil régional de Lombardie). Ce n’est pas encore tout à fait officiel, mais la sélection de Tony Iwobi (à droite sur la photo ci-dessus, à côté de Roberto Maroni, l’actuel patron de la Lega) par le secrétariat régional de la Ligue du Nord pour les prochaines élections régionales, les 10 et 11 février prochains, fait déjà la une des journaux.
Le choix, il est vrai, est réduit par les scandales politico-financiers où sont impliqués la Ligue du Nord et son allié du Popolo della Libertà, qui formaient la majorité au Conseil régional sortant : la dernière affaire en date porte sur des notes de frais frauduleuses, Renzo Bossi (fils d’Umberto) s’étant par exemple fait rembourser par la Région 159 euros pour l’achat d’un réfrigérateur. Il est impossible de représenter les conseillers les plus compromis.
La sélection de Tony Iwobi n’en est pas moins logique, après un parcours déjà long à la Ligue du Nord. Ce « Nigério-Padan », ou « Africain lombard », comme l’appellent les journaux, informaticien de 57 ans, a déjà été, en 1995, le premier conseiller municipal africain de la Lega, à Spirano, dans la province de Bergame, avant d’y devenir, en janvier 2012, le premier adjoint au maire africain dans une municipalité ligueuse.
Arrivé en Italie en 1976, Iwobi était le second Nigérian de Spirano, après son ami Charli. Tous les deux ont épousé des filles du pays : « L’époque n’était pas facile et les unions mixtes se comptaient vraiment sur les doigts d’une main dans la petite ville » d’à peine plus de cinq mille habitants. Mais Iwobi assure qu’il a « tout de suite épousé Spirano. La ville m’y a accueilli à bras ouverts. Mes enfants y sont nés et je suis désormais grand-père ».
Interrogé par L’Eco di Bergamo , Iwobi déclare avoir « embrassé le projet de la Ligue en 1993, quand elle soutenait le fédéralisme. J’arrivais du Nigéria, un pays fédéral [et en situation de guerre civile larvée entre le Nord musulman et le Sud chrétien, N.d.T.], et cette idée me plaisait. Mon rapport avec la Lega n’est pas seulement politique, mais aussi humain. J’y ai trouvé de nombreux amis avec lesquels partager les mêmes idées ».
En tant que président de la commission municipale de la culture, Iwobi a beaucoup fait pour promouvoir les traditions bergamasques et en particulier « défendre la langue bergamasque ». Des cours de dialecte sont organisés pour les plus jeunes, le papier à en-tête de la mairie est bilingue en italien et bergamasque, ainsi que le standard téléphonique : lorsque vous appelez, la standardiste commence par vous demander si vous voulez continuer à parler en italien ou si vous préférez le bergamasque. Tout cela, souligne Iwobi, « peut apparaître comme du folklore, mais je dis : “Toi qui es bergamasque, tu ne dois pas avoir peur de parler ta langue maternelle, de redécouvrir tes origines” ».
Mais « si Tony est chez lui à Spirano, il n’oublie pas l’Afrique. “Je viens d’en rentrer, explique-t-il, nous sommes en train de réaliser un beau projet sanitaire avec le Ghana”. À la question s’il se sent plutôt Africain, bergamasque ou les deux à la fois, il répond : “Je me sens citoyen du monde, partout où je vais je me sens chez moi” ». Tout sauf Italien, en un mot…
Le journal en ligne Diritto di critica souligne que Iwobi, s’il a été un précurseur, n’est pas le seul immigré attiré désormais par la Ligue du Nord. Le premier maire noir d’Italie a été une ligueuse, Sandy Cane, élue en 2009 maire de Viggiù, une petite ville de Lombardie (province de Varese) de la même taille que Spirano. À Malnate, dans la même province, le secrétaire de la section locale du parti est un Tunisien, Hajer Fezzani. « Comme pour dire, la Lega Nord aussi s’adapte à l’époque ».
Pour des identitaires européens, il y a là matière à réflexion et à discussion – en premier lieu sur ce qu’on appelle identité. Le blogue Identità.com a en tout cas protesté, dans un article intitulé « L’identité ne se défend pas en présentant des Africains aux élections ». L’auteur en est convaincu : « Si l’idée de la Ligue est de défendre le dialecte et les traditions lombardes – et du reste de l’Italie – en les enseignant à plusieurs millions de Nigérians, alors elle n’est pas un mouvement identitaire ».
Crédit photo : Lega Nord.