05/09/2012 – 16h00
NANTES (NOVOpress Breizh) – Devenir une personnalité politique nationale change les hommes. C’est ce qui vient d’arriver à François de Rugy (EELV), député de Nantes, promu coprésident du groupe des Verts à l’Assemblée nationale. On le savait farouchement opposé au projet d’ « aéroport du Grand-Ouest » (ci-dessus photo d’une fresque humaine réalisée par les opposants à cet aéroport), mais depuis les choses ont « évolué ».
En août 2010, François de Rugy dénonçait un « montage financier nébuleux » et entendait « continuer à se battre par tous les moyens contre ce projet archaïque ». « Couler du béton et du bitume à vingt kilomètres de Nantes, c’est contraire à toute logique économique, affirmait-il. La logique économique consiste plutôt à rentabiliser la plate-forme existante, dont l’activité est loin d’être saturée. »
M. de Rugy exprimait alors des « doutes quant à la légalité de l’opération qui consiste à désigner un concessionnaire après avoir fait cracher au bassinet les collectivités locales ». Il posait même une question redoutable : «Est-ce que le groupe Bouygues avait connaissance de ce montage financier au moment où il s’est désisté ? Le groupe Vinci a-t-il révisé le montant de sa participation grâce à cet accord ?» (Le Monde, 03/08/10). A cette période le député de Rugy n’hésitait pas à ruer dans les brancards.
En juillet 2012, le député de Rugy s’est transformé en petit toutou bien gentil. Il est vrai que les élections de mai – juin sont passées par là. Désormais il appartient à la majorité et préside un groupe parlementaire. Ce qui change tout…Devenu « responsable », il adapte son discours à la nouvelle donne. Après la déclaration de politique générale prononcée à l’Assemblée nationale par Jean-Marc Ayrault – nouveau Premier ministre, mais ancien maire de Nantes, donc allié-adversaire de M. de Rugy qui est conseiller municipal de la même ville –, la parole est donnée aux représentants des différents groupes.
Au nom des élus d’EELV, François de Rugy assure Jean-Marc Ayrault que « les députés écologistes seront à [ses] côtés » pour la transition de notre modèle énergétique, pour la sortie du nucléaire, contre l’étalement urbain, pour le droit de vote aux étrangers pour les élections locales, etc. Le catalogue est très riche. Evidemment on attend de M. de Rugy qu’il s’en prenne avec vigueur aux « grands projets inutiles » et tout particulièrement au dossier de Notre-Dame-des-Landes qui lui tient tant à cœur. Il n’en sera rien. Dans le discours du président de Rugy, le mot qui fâche – Notre-Dame-des-Landes – n’est pas prononcé. Prudence et complaisance exigent que l’orateur fasse dans le sous-entendu : « Lorsque l’Etat renonce à financer certains projets engagés par la précédente majorité, qui sont fortement contestés par les citoyens et néfastes pour l’environnement, afin de concentrer ses moyens sur l’essentiel (…) – oui quand vous orienterez ainsi l’investissement public, Monsieur le Premier ministre, les députés écologistes seront à vos côtés, actifs, constructifs et déterminés. » (J.O., Assemblée nationale, 04/07/12). Des propos qui ne risquaient pas d’effrayer le Premier ministre.
Depuis les choses ne se sont guère arrangées. Après la ministre de l’Ecologie Delphine Batho, c’est Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes qui a déclaré le 31 aout dernier sur LCI que l’aéroport se ferait « absolument (…) comme nous nous y étions engagés ». Enfonçant le clou, la porte-parole du Gouvernement a rappelé : « J’ai été dans la campagne présidentielle, je me souviens de ce que nous avons toujours dit sur l’aéroport de Nantes, nous avons toujours dit qu’il fallait le conserver. Rien de nouveau. » EELV, par la voix de son secrétaire général Pascal Durand, s’est contenté de « regretter » cette prise de position. Quant à François de Rugy, il s’en tient pour l’instant à un prudent silence radio. Courageux, mais pas téméraire.
Crédit photo : Moulins/Wikipédia (cc)